Militant insoumis

Membre du conseil d’administration de l’UQAM depuis quelques mois, Alain Gerbier titre un nouveau chapitre de sa vie mouvementée. Entre la sculpture, la rédaction et ses multiples implications, le chargé de cours a déjà fait sa marque à l’université.

Alain Gerbier «s’est tapé» trois ans à la Commission des études pour comprendre le fonctionnement de l’université et finalement accepter de siéger sur le conseil d’administration de l’UQAM. «Pour être honnête, je voulais savoir comment ça marchait!» avoue l’homme avec un petit sourire aux lèvres. L’âme militante s’insurge des maladresses et des erreurs politiques de l’instance universitaire, mais précise que ceux qui y siègent sont de bonne foi. «Je suis extrêmement heureux, car les gens qui y siègent ce sont des gens qui ont un véritable intérêt du bon fonctionnement de l’université», explique celui qui est sur le conseil d’administration avec l’ancienne journaliste Lise Bissonnette.

Il a fait ses premiers pas dans l’UQAM afin de se trouver une tierce source de revenus pour mener à bien ses projets. Chargé de cours depuis environ 30 ans à l’UQAM, il ne croit pas «former les gens» à l’université, mais plutôt les guider dans leur cheminement. Le Français d’origine réside au Québec depuis 1971 et avait pour but initial de couvrir le hockey à titre de correspondant. L’ancienne usine de haute couture de la rue Cartier qui sert à la fois d’atelier et de logis à Alain Gerbier a bien changé depuis son acquisition il y a 35 ans. Dans son havre mythique, les yeux du chargé de cours s’émerveillent alors qu’il raconte l’histoire de sa propriété. Certaines portes proviennent du Sheraton Montréal, une reproduction ludique de la Chapelle Sixtine y est même peinte. «Les solives de ma cuisine sont de la première conciergerie de Montréal», poursuit celui pour qui les plus infimes détails sont importants.

Alors qu’il déblatère son histoire débutant à Tours en France et se continuant au Canada, le chargé de cours fait tomber les dates avec précision. «J’ai toujours eu une forme de résistance à tout ce qui me paraissait injuste, souligne celui qui enseigne à l’École des médias. Je suis d’ailleurs au Canada, parce que j’ai été insoumis.» Il a ainsi refusé de faire le service militaire obligatoire en temps de paix. Son collègue professeur en journalisme Jean-Hugues Roy confirme ce désir de mobilisation contre les injustices qu’il constate chez Alain Gerbier. Il raconte qu’en octobre 2000, le chargé de cours a manifesté seul à la place Émilie-Gamelin pour les droits d’auteur des journalistes, à tous les jours pendant un mois et demi. Celui qui n’hésite pas à faire prévaloir son point de vue raconte qu’il est arrivé à l’une des réunions du SCCUQ* avec une bouée au cou pour illustrer que le syndicat était sur le point de couler. «Il y a des risques de ne pas se faire prendre au sérieux. Est-ce qu’il mesure ça ? se questionne Jean-Hugues Roy. Parfois, la force de ses mots pourrait être suffisante, sans artifices. Alain a une grande qualité: son éloquence.»

Tout au long de sa carrière, Alain Gerbier a été très investi, touchant à plusieurs projets ici et là. Son leitmotiv est de rencontrer les gens dans leur milieu pour dresser un portrait juste de leur réalité. C’est ainsi qu’il s’est introduit à plusieurs endroits, il a même travaillé dans une usine, pour comprendre, toujours apprendre. C’est ce qu’il appelle le «journalisme ouvrier». Il affirme avoir voulu s’intégrer à la communauté universitaire et comprendre chaque facette de l’université où il agit comme chargé de cours. Alors qu’il travaillait déjà sur un projet de livre sur les Premières Nations, Alain Gerbier révèle qu’il bûche sur un autre projet d’écriture sur l’UQAM. «Depuis plusieurs années, je note des bouts de phrases, des conversations que j’entends», explique-t- il. L’objectif est le même, prendre son temps et offrir une couverture complète au lecteur. «Alain, il incarne le journaliste confrontant, des fois il va choquer les gens. Mais, on a besoin de ça. Les journalistes doivent déranger», ajoute Jean- Hugues Roy.

À travers les dizaines de boîtes dûment identifiées qui décorent son bureau, Alain Gerbier est en train de faire le tri de sa vie. Avec ses récents problèmes de santé, il a réalisé «qu’il ne s’en va pas vers le mieux.» Il veut faire de la place pour finaliser ses derniers projets de sculpture, son échappatoire au journalisme, et d’écriture. Le temps, une notion qu’il aborde incessamment, ne doit pas lui filer sous les doigts. La résidence d’Alain Gerbier n’est pas qu’un lieu de création, elle est aussi sa propre galerie d’art qui porte d’ailleurs déjà son nom «Glaviot et Molard».

Le chargé de cours est un personnage singulier, selon Jean-Hugues Roy. «Quand on lit ses textes, on peut entendre la voix d’Alain dans notre tête», souligne son collègue. Il s’est certes opposé à divers projets pendant sa vie, mais toujours selon la même ligne de pensée: «Si on ne se questionne pas, les choses n’avancent pas», martèle Alain Gerbier.

*SCCUQ : Syndicat des chargés de cours de l’UQAM

Crédit photo : Félix Deschênes

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