Les tricheurs et les vierges offensées

Les périodes d’examen me fascinent. Sous l’influence du stress, c’est inouï comment les gens révèlent des facettes de leur personnalité. Récit d’une étude sociologique de ma dernière mi-session.

Mardi 13h. (Une heure avant l’examen)

J’arrive dans l’auditorium. Habituellement, à cette heure, il n’y a pas un chat, tout au plus un petit groupe de personnes qui mange leur restant de macaroni de la veille parce qu’il n’y avait plus de place où s’asseoir dans l’Agora. Contrairement aux autres semaines, cette fois, plusieurs étudiants sont présents dans la salle de cours.

Dans les premières rangées, quelques étudiants terminent leur lunch en feuilletant flegmatiquement leurs notes de cours. Respirant la confiance, ils ont, sans l’ombre d’un doute, bien étudié pour l’examen.

Au milieu de la salle, quatre personnes discutent en ayant les yeux fixés sur l’écran de leur ordinateur portable. Une d’entre elles, une étudiante cernée jusqu’au cou, pose des questions d’un débit de voix très rapide en se balançant frénétiquement la jambe. Visiblement, elle n’est pas prête pour l’examen. Son collègue, qui mange une pomme accoudé sur la table, tente de la rassurer. Lui non plus n’a pas étudié, mais il est résigné à faire l’examen au meilleur de ses connaissances.

À l’arrière de la salle, des étudiants ont pris d’assaut les dernières rangées. Crayons à la main, ces derniers griffonnent des mots sur de minuscules bouts de papier; d’autres s’affairent plutôt à écrire sur leur téléphone cellulaire. Ils jettent des regards furtifs autour d’eux pour que personne ne remarque ce qu’ils font. Chaque fois qu’une nouvelle personne franchit le pas de la porte de l’auditorium, ils cessent leur entreprise momentanément.

Tout le monde sait très bien ce qu’ils sont en train de faire.

Les studieux à l’avant, telles des vierges offensées, les dévisagent en soupirant bruyamment dans l’espoir que tout le monde le remarque.

Si de prime abord, je ne suis pas d’accord avec la triche académique, le comportement de «sainte-nitouche» des étudiants à leur affaire me rebute tout autant. Les étudiants universitaires sont bien au fait des conséquences que peut avoir le plagiat, copiage, tricherie, usurpation d’identité, terrorisme académique, trahison universitaire, sur leur parcours scolaire. Chaque chargé de cours/professeur se charge de leur rappeler lors du premier cours du trimestre.

Ceci étant dit, peut-on laisser les étudiants se bâtir leur propre norme éthique? Après tout, si un étudiant se fait prendre à tricher, c’est uniquement lui qui subira les conséquences de son geste. À contrario, s’il obtient une bonne note en trichant, il saura au fond de lui que son résultat ne vaut pas celui de son collègue qui a étudié et qui aura réellement appris.

Au CÉGEP, mon prof d’anthropologie m’avait servi la meilleure leçon en termes de plagiat. Avant le premier examen, en passant les copies, il nous avait dit qu’il était possible de copier sur les autres pendant l’examen, qu’il n’enlèverait aucun point s’il voyait des gens s’échanger des réponses. Il avait par contre ajouté que ces personnes «auraient à vivre avec leur conscience». Je n’ai jamais vu un examen aussi clean que celui-là dans tous mon parcours académique. Personne n’a tenté de tricher ou même n’osait dévier le regard de sa copie.

En gros là, les petites vierges offensées, mêlez-vous de vos affaires. Et l’UQAM, votre politique de tolérance zéro, on va se le dire, ne fonctionne pas.

Étienne Dupuis
Chef de pupitre UQAM
uqam.campus@uqam.ca

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