Une affaire de colle Pritt (La suite d’Un vieux monsieur un peu gros)

Loin de moi l’envie de vous emmerder deux semaines de suite avec les mêmes histoires. «Ben oui, ben oui. On le sait que la culture devrait occuper un place plus importante dans les médias, gnan gnan gnan», que je vous entends dire.

Gnan gnan vous-même. Parce que je ne parlerai pas de la place de la culture dans les médias – en fait oui, juste un peu – mais je vais plutôt parler de la place qu’occupe la culture dans la vie quotidienne des québécois. C’est-à-dire à peu près rien, pas de place pantoute, niet.

Je vais vous le dire, je suis le mouton noir de ma famille. On a beau avoir un magnifique musée à 15 minutes d’auto, à peu près personne, ni de mes tantes, ni de mes oncles, cousins-cousines, maman, papa, n’y a jamais mis les pieds. Ma famille ne va pas au théâtre, au concert, à l’opéra. Au mieux, elle va voir le show pas drôle de Guy Nantel ou le show pas drôle de Broue. Je parle de ma famille, mais je suis à peu près certaine que la vôtre ressemble un peu à ça. Même pas un peu? Votre belle-famille, peut-être? Il me semblait bien.
Remarquez, c’est partout pareil. En France, comme ici, le citoyen moyen se fou de l’art. Et les autres sont snobs.

Le Québécois moyen ne s’intéresse pas à l’art, parce qu’il n’y est pas confronté dès son plus jeune âge. Un petit cours de bricolage, sort la colle Pritt, pri pri pri dans une flûte à bec, et voilà pour les cours dits «culturels». Pourtant, si ma mère ne se sentait pas idiote devant une toile de Manet, si elle connaissait le travail derrière une œuvre de Zola, elle comprendrait davantage l’art qui l’entoure et s’y intéresserait probablement.

Cela dit, c’est une roue qui tourne. J’aurai beau verser chaque jour quelques larmes en pensant à cette société d’illettrés de l’art dans laquelle on vit, ça n’y changerait rien. J’aurai beau verser chaque jour quelques larmes en pensant à ces Journal de Montréal et autres La Presse qui n’offrent pratiquement aucun espace à l’art, ça n’y changerait rien.

Un cercle vicieux, que je vous disais. Si on parlait plus de culture, les gens s’y intéresseraient davantage. Mais si les gens s’y intéressaient davantage, on en parlerait plus. Voilà qui est bien dommage pour le cercle restreint des passionnés, mais le débat entourant la diffusion de l’art s’inscrit principalement dans une logique de marketing. Et donc, on ne peut pas y changer grand-chose. À moins d’être PKP.

Si on ne peut pas faire confiance à PKP, Radio-Canada devrait s’acquitter de sa mission éducative et promouvoir davantage la culture, me disait une collègue de classe. «En plus, c’est une société d’État, c’est nous qui payons!» s’indignait-elle. Soit. Mais avec Harper qui sabre ici et là – et même avant cette guéguerre du conservatisme de droite – Radio-Canada doit se débattre férocement dans cette marée de chaînes privées pour survivre. Prise, malgré elle, dans la guerre impitoyable des cotes d’écoute, elle doit rester concurrentielle. Je trouve que souvent, la société d’État a le dos le large. Et il faut quand même garder en tête qu’elle est aussi prisonnière que les autres de la logique de marketing.

Il ne reste donc plus qu’à espérer un gouvernement qui prenne sous son aile l’éducation de la population en matière culturelle.

Awaye Pauline, lâche le spraynet et sort la colle Pritt.

Audrey Desrochers
Chef de pupitre Culture
culture.campus@uqam.ca

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