Le gaspillage alimentaire, toujours un fléau sociétal

Depuis que l’aliment est devenu un simple bien de consommation, le gaspillage alimentaire ne cesse de croître. Tandis que plusieurs ménages et petits organismes se mobilisent pour faire face à cette problématique, les experts et les expertes rencontré(e)s par le Montréal Campus pointent du doigt l’inaction du gouvernement et de plusieurs grandes entreprises.

« Il y aura toujours une proportion de gaspillage alimentaire acceptable et naturelle. Le problème, c’est l’ampleur qu’il prend dans notre société », témoigne l’experte de la lutte contre le gaspillage alimentaire Florence-Léa Siry.

Via le Défi Zéro Gaspi, lancé sur son blogue Chic frigo sans fric, et chapeauté par Recyc-Québec, elle propose des défis mensuels à sa communauté pour leur démontrer que c’est possible, agréable et rentable de se responsabiliser lorsqu’on parle de gaspillage alimentaire.

Qualifié de véritable crise, le gaspillage alimentaire est l’un des plus importants émetteurs de gaz à effet de serre. Les recherches du Conseil national zéro déchet ont démontré que le gaspillage alimentaire engendre annuellement des pertes d’environ 1100 $ par ménage.

Suivie par plus de 20 000 personnes sur les réseaux sociaux, Florence-Léa Siry a réussi à créer une page sur laquelle les gens peuvent échanger leurs astuces pour réduire le gaspillage alimentaire.

Selon une étude produite par Value Chain Management international et Second Harvest en 2019, les ménages seraient responsables de 21 % du gaspillage alimentaire au Canada.

En tant que consommateur, expert et leader dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, Éric Ménard suggère d’acheter les produits qui ont le moins d’intermédiaires dans la chaîne alimentaire (production, transformation, distribution, vente), puisqu’il y a du gaspillage à chaque étape. Se réadapter à la saisonnalité des produits serait aussi une piste de solution, selon lui. « On est habitué à ce luxe extrême, qui est d’avoir accès à une énorme variété de produits à l’année longue, alors que l’on peut très bien vivre avec moins », explique-t-il.

Les consommateurs et les consommatrices ont la possibilité de faire des choix qui auront des impacts directs sur le reste de la chaîne alimentaire et sur l’environnement. Pour Florence-Léa Siry, le geste le plus porteur, « c’est de faire un autodiagnostic et de regarder où se situe ton gaspillage, avec quels aliments, et les causes de ton gaspillage pour ensuite prendre des mesures pour améliorer ta consommation ».

Une valeur perdue

La montée du capitalisme a eu des impacts sur le rapport entre les consommateurs et les consommatrices et leur nourriture. La coordonnatrice et agente de recherche à la Chaire de recherche sur la transition écologique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Éliane Brisebois, affirme qu’il y a eu un détachement du consommateur et de la consommatrice face à l’alimentation et sa valeur. « On assiste aujourd’hui à une banalisation et une invisibilisation du problème, on ne le voit plus vraiment », indique-t-elle. Il existe d’ailleurs une corrélation entre l’abondance et l’excès, ce qui a engendré un problème de gaspillage alimentaire généralisé.

L’avènement de la société de consommation apporte son lot de conséquences. Dans le cas du gaspillage alimentaire, les aliments sont devenus objets de consommation. Éric Ménard soutient que la valeur reliée à l’alimentation s’est beaucoup perdue. « Pourquoi faire autant d’efforts pour réutiliser et ne pas gaspiller alors que l’on a accès si facilement à du nouveau dans les commerces? », caricature-t-il.

Une initiative nécessaire mais insuffisante

Au Québec, plusieurs banques alimentaires agissent pour la récupération des aliments, et la redistribution de ceux-ci aux personnes dans le besoin. Sur le site du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, les banques alimentaires sont proposées comme initiative pour les commerces et les épiceries.

Éric Ménard soutient « qu’à défaut de mieux, les organismes de dépannage alimentaire sont une bonne solution, mais dans un monde idéal, ça n’existerait pas. » Ces organismes aident à pallier l’insécurité alimentaire, mais ne règlent en rien le problème.

Éliane Brisebois abonde dans le même sens : « Le système est content d’avoir une poubelle pour ses restants », souligne-t-elle. Elle ajoute qu’il est important de ne pas mettre dans le même panier le gaspillage alimentaire et l’insécurité alimentaire. « Distribuer gratuitement de la nourriture aux personnes dans le besoin, ça ne règle pas leur problème financier », affirme la chercheuse.

Selon les intervenants et les intervenantes consulté(e)s, le gouvernement se déresponsabilise par rapport à l’insécurité alimentaire et au gaspillage alimentaire, puisqu’il compte sur les organismes de dépannage alimentaire pour soutenir les personnes dans le besoin. Ce sont les surplus des grandes industries qui permettent aux organismes de dépannage alimentaire d’exister. « Tu ne veux pas qu’une solution soit dépendante d’un problème », soutient Éric Ménard.

Mention photo Augustin de Baudinière | Montréal Campus

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *