Le secteur du jeu vidéo solidaire avec ses membres ukrainiens

L’industrie québécoise du jeu vidéo s’implique dans le mouvement international de solidarité pour les civils ukrainiens et les civiles ukrainiennes persécuté(e)s par l’invasion russe. La prise de position unanime du secteur vidéoludique en faveur de l’Ukraine est sans précédent.

L’Ukraine représente un collaborateur majeur dans la sphère vidéoludique, de sorte que plusieurs studios québécois entretiennent des liens avec leurs homologues ukrainiens et ukrainiennes.

« Tout le monde est outré par ce qui se passe. On a des collègues, des amis et même de la famille là-bas », explique le directeur des communications de la Guilde du jeu vidéo du Québec, Émilien Roscanu. Il précise que certains de leurs membres ont des « studios frères » en Ukraine, alors que plusieurs autres compagnies indépendantes travaillent de pair avec les studios ukrainiens pour des spécificités de création.

Alors encouragée par l’élan de solidarité internationale, l’association représentant tout l’écosystème de l’industrie du jeu vidéo de la province a donné, le 4 mars dernier, 72 350 $ à la Croix-Rouge canadienne, qui œuvre actuellement en Ukraine. Cette levée de fonds organisée par le conseil d’administration de la Guilde a été extrêmement bien reçue parmi ses 300 membres. Le lot a été amassé en un temps éclair de 48 heures.

Chez Gameloft, qui a un studio à Montréal, mais aussi à Kharkiv et à Lviv, la mobilisation va plus loin que les collectes de fonds. Selon la directrice des communications, Geneviève Sorel, les « Gamelofters » en Ukraine ont reçu leurs salaires en avance, et une somme de 1 400 $ a été additionnée au montant initial.

Mme Sorel ajoute que l’entreprise offre du soutien « pour le logement, les conseils juridiques ou pour tout autre aide possible par le biais de nos studios à Bucarest, Cluj, Budapest et Sofia » aux employé(e)s qui choisissent de se réfugier ailleurs. Elle spécifie qu’au Canada, les dons des équipes Gameloft sont versés à la Croix rouge puisque le gouvernement fédéral promet de doubler le montant amassé par cet organisme pour l’Ukraine.

Les mesures de soutien sont similaires chez Ubisoft, entreprise française de développement, d’édition et de distribution de jeux vidéo, qui possède des studios aux quatre coins du monde. L’entreprise est allée jusqu’à annoncer, le 7 mars dernier, qu’elle suspendait ses ventes en Russie. Cette sanction explicite envers le pays belligérant est de la même veine que la suppression de l’équipe de soccer russe du jeu FIFA 2022 ou l’arrêt total des activités de Microsoft en Russie.

La Russie rétorque et pirate

Ce boycottage du marché russe impacte bien plus que la vente de jeux vidéo en Russie. Le professeur en études vidéoludiques de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), Simon Dor, explique que plusieurs éditeurs vidéoludiques possèdent la plateforme sur laquelle se jouent les jeux, en plus de celle où ils s’achètent. Ainsi, « même si les utilisateurs ont payé pour leur jeu, ils ne pourront pas jouer puisque les serveurs sont bloqués », commente-t-il.

Le gouvernement russe n’est pas resté de marbre face à cette mesure punitive. D’après les informations de TorrentFreak, un blogue de nouvelles relatives aux partages de fichier sur Internet, le ministère du Développement économique russe a proposé un plan, en réponse aux multiples sanctions économiques. Selon celui-ci, l’État pourrait, entre autres, pirater légalement les logiciels étrangers, dont les services sont inaccessibles en Russie.

« Ultimement, ça reste assez symbolique [pour les jeux vidéos] », juge Simon Dor. En fait, le professeur de l’UQAT n’estime pas que l’État russe surveillait réellement le piratage dans le secteur d’activité.

Vis-à-vis de cette éventuelle légalisation du piratage, les studios demeurent impuissants. D’après Simon Dor, pour que le droit d’auteur soit respecté, « il faut une collaboration de la part des autorités locales ».

Une prise de position sans précédent

« Je ne pense pas avoir vu un élan de solidarité aussi unanime dans l’industrie du jeu vidéo », affirme le professeur de l’UQAT, impressionné par l’ampleur du soutien offert à l’Ukraine. Il raconte que ces dernières années, les studios de jeu vidéo se sont permis d’afficher davantage leur allégeance à des causes sociales, comme la lutte pour le respect de la communauté noire. Toutefois aucune prise de position n’a été aussi consensuelle que celle observée aujourd’hui.

Certains studios ont même agi dans les moindres détails. C’est le cas de Paradoxe Interactive qui a remplacé le nom Kiev (transcrit en russe) par Kiyv (transcrit en ukrainien) sur la carte interactive de son jeu Crusader Kings III.

Le contenu des jeux vidéo est devenu continuellement modifiable, de sorte que Simon Dor ne les considère plus comme un produit, mais bien comme un service. « Ils ont une influence considérable sur la perception du monde », dit-il.

Aider sans compter

Parmi les membres du secteur du jeu vidéo, peu s’inquiètent de l’impact économique de leur soutien unilatéral envers l’Ukraine. N’en demeure pas moins que la Russie est le 8e plus grand consommateur mondial de cette industrie, selon une étude de la firme Statista publiée en 2021. Son marché représenterait 2,7 milliards de dollars US.

Pour la Guilde du jeu vidéo du Québec, les retombées économiques ne sont pas prioritaires. « La seule préoccupation des studios québécois qui ont des liens quelconques avec l’Ukraine, c’est que leurs collègues et leurs amis soient en sécurité », rapporte Émilien Roscanu.

Une illustration de Malika Alaoui | Montréal Campus

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