Des intrusions illégales dans les résidences de l’UQAM

Un climat de peur règne dans les résidences Ouest de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) depuis que des membres du personnel s’introduisent sans avertissement dans les appartements d’étudiants et d’étudiantes, et ce, à plusieurs reprises.

« Depuis un mois, je vis deux à trois intrusions par semaine », affirme Amanda*, étudiante étrangère vivant aux résidences depuis août 2021. La dernière intrusion chez l’étudiante remonte à moins d’une semaine avant le passage du Montréal Campus dans les résidences, soit au début avril.

L’une des intrusions a d’ailleurs eu lieu alors qu’Amanda était sous la douche. Elle raconte avoir entendu la clé tourner dans la serrure. Elle s’est empressée de se recouvrir d’une serviette avant de se retrouver devant un employé d’entretien.

Quand elle demande des explications, « ils sont un peu condescendants, froids, ils évitent de répondre ». Des employé(e)s lui ont déjà rétorqué : « Je n’ai pas à vous donner plus d’information que ça » ou bien encore « ce n’est pas ma faute, on m’a dit de venir. Laissez-moi faire mon travail ».

L’article 32 du bail des résidences décrit pourtant que l’UQAM « doit donner à l’étudiant un avis verbal de vingt-quatre heures » pour toute intervention dans le logement. En cas de travaux mineurs, le Tribunal administratif du logement stipule qu’un propriétaire doit donner au locataire un avis de 10 jours minimum.

Amanda ne reçoit jamais d’avis préalable, et ce, même si la direction de la résidence peut la rejoindre aisément sur le téléphone fixe de son appartement, sur son cellulaire, par courriel ou même en glissant une note sous sa porte.

Sur place, le Montréal Campus a pu constater la présence d’affiches sur certaines portes exhortant les employé(e)s des résidences au respect du protocole d’intervention.

Rien d’un cas isolé

La situation ne date pas d’hier. Locataire d’une chambre dans les résidences universitaires depuis 2019, Loïc*, étudiant en photographie au Cégep du Vieux Montréal, vit la même situation. Dès son arrivée, l’étudiant est victime d’un premier épisode d’une série d’intrusions à domicile.

« Le concierge a essayé d’entrer dans mon [logement] lorsque je sortais de la douche. Son excuse? Il avait cogné deux fois avant de débarrer, alors que quiconque connaît les résidences sait qu’on n’entend pas grand-chose dans la salle de bain à cause de la ventilation », confie-t-il.

Pris de panique, Loïc a dû se précipiter vers la porte, couvert d’une simple serviette, afin d’empêcher le concierge de pénétrer dans l’appartement. À travers l’entrebâillement de la porte, le concierge a prétendu vouloir vérifier des signes de dégât d’eau chez l’étudiant, alors que le logement de ce dernier était en parfait état.

L’année suivante, avant la pandémie, Loïc revient à son appartement, quand il remarque que sa porte est déverrouillée. « Il n’y avait absolument aucune chance que j’aie oublié de barrer [la porte], puisque je vérifie quatre fois à cause de mes tocs », explique-t-il.

L’étudiant se renseigne alors auprès d’un étudiant employé à la résidence. Ce dernier l’informe que d’autres employé(e)s sont entré(e)s chez lui dans le but de vérifier la propreté des fenêtres. Loïc n’a jamais été prévenu ou averti au préalable.

Au cours de la même année, des pompiers et une concierge se sont à nouveau introduits chez Loïc pour inspecter le détecteur de fumée. Encore une fois, il n’avait reçu aucun avertissement verbal ou écrit. Le scénario du détecteur de fumée s’est d’ailleurs répété en 2021.

Paranoïa et insécurité

Loïc, tout comme d’autres résidents du bâtiment, perçoit une hostilité grandissante à son égard par les employé(e)s de la résidence. « Quand je posais des questions à l’accueil, on s’adressait à moi comme si tout ce que je disais était stupide et « trop demandé »»

Ces multiples intrusions illégales sont anxiogènes pour le jeune homme autiste. Les visites surprises d’inconnus et l’envahissement de son espace personnel l’affectent grandement. Ce stress constant nuit à sa qualité de vie : « Je fais très fréquemment des rêves où des employés rentrent chez moi n’importe quand. […] Je ne suis plus du tout à l’aise de vivre dans un endroit où je stresse que quelqu’un ouvre la porte chaque fois que je m’habille le matin. »

Au début de l’année, des employé(e)s se sont encore introduits sans prévenir ni cogner chez Loïc pour régler un dégât d’eau. C’était la goutte qui a fait déborder le vase. Il prévoit quitter les résidences à la fin avril.

La même idée habite Amanda. Résolue à ne plus vivre dans les résidences universitaires, elle recherche âprement un appartement pour déménager. Mais avec la crise du logement, la quête d’appartement est ardue et pénible pour la jeune femme, qui craint n’avoir d’autre choix que de rester dans un endroit où elle n’arrive pas à se sentir à l’aise.

Une vague de témoignages

Amanda a crée l’adresse courriel témoignages.résidences@gmail.com dans l’éventualité de former une plainte collective.

L’étudiante étrangère est alors devenue l’instigatrice d’un mouvement de dénonciations sur les réseaux sociaux, notamment via le compte Instagram uqam.confessions et sur la page Facebook Spotted: UQAM, où d’autres témoignages anonymes s’ajoutent au sien.

À ce jour, Amanda n’a pas obtenu de réponses ni d’excuses de la part de la direction des résidences. Toutefois, la Direction des services alimentaires et de l’hébergement de l’UQAM a envoyé un courriel le 12 avril dernier à tous les locataires en réaction au tumulte des réseaux sociaux.

Le groupe Alfid assure la gestion des résidences universitaires de l’UQAM depuis le 1er décembre dernier. « Ce n’est pas notre personnel qui a été impliqué, mais des membres des fournisseurs externes qui ont été en charge de gérer les dégâts d’eaux. Ainsi, dans un premier temps, nous avons fait un rappel aux bonnes pratiques. Nous avons précisé et contrôlé que les protocoles sont respectés par les équipes internes et les équipes externes », affirme Joël Chareyron, vice-président stratégies et affaires du groupe Alfid. Il soutient que les interventions concernant des dégâts d’eau ne « [donnent] pas la possibilité de respecter le protocole avec un délai de prévenance établi ».

Jenny Desrochers, directrice des relations de presse de l’UQAM, assure que l’institution « prend la situation très au sérieux » et que « des interventions ont également été réalisées avec les personnes qui travaillent aux résidences pour leur rappeler les procédures d’accès aux logements ».

Par ailleurs, Mme Desrochers ajoute que l’Université a instauré un registre dans chaque résidence « afin de compiler toutes les situations où un membre du personnel des résidences ou un fournisseur doit accéder à un logement ».

*Prénoms fictifs afin de conserver l’anonymat

Mention photo Manon Touffet | Montréal Campus

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