Ingérence difficile à digérer

Programme canadien de prêts aux étudiants

Une autre chicane de compétence entre Québec et Ottawa anime la scène politique. Cette fois, les universitaires écopent, car le nouveau programme canadien de bourses aux étudiants est au cœur du litige.

Un conflit entre les gouvernements provincial et fédéral risque de priver les étudiants québécois d’environ 118 millions de dollars, selon le calcul de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ).

Ce montant devait provenir du Programme canadien de bourses aux étudiants (PCBE), qui remplacera la Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire le 5 janvier prochain. Le PCBE, annoncé par Stephen Harper en 2008, distribuera plus de 500 M$ en bourses d’accès aux études à travers le pays.

Or l’éducation est une compétence provinciale et le gouvernement Charest souhaite exercer son droit de retrait sans condition du nouveau programme, afin de réinvestir sa part dans l’Aide financière aux études (AFE). Le gouvernement conservateur s’oppose à cette demande et exige du Québec qu’il démontre que l’AFE obtient les mêmes résultats que le programme fédéral.

En 1999, la province avait pourtant pu se retirer de la Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire avec pleine compensation et ce, sans condition. Chaque année, plus de 70 M$ étaient ainsi réinvestis dans l’AFE.

Selon Jean Grégoire, président de la FEUQ, un refus définitif du gouvernement fédéral d’accéder à la demande de retrait aurait de graves conséquences sur la situation financière des universitaires québécois. Il estime que la province doit obtenir d’Ottawa au moins 60 M$ annuellement pour empêcher une hausse de l’endettement des bénéficiaires de l’AFE. Le reste de l’argent obtenu servirait quant à lui à bonifier le programme québécois. «L’AFE est le meilleur programme d’aide financière aux étudiants qui existe au Canada, peut-être même au monde, mais il a besoin de beaucoup plus d’investissements pour fonctionner comme il faut», assure Jean Grégoire.

Langue de bois

La FEUQ, en collaboration avec la Fédération étudiante collégiale du Québec, a entamé le 8 octobre dernier une vaste campagne de mobilisation afin d’informer ses membres de la situation. De son côté, l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) a organisé le 2 décembre dernier une manifestation étudiante pour faire pression sur les deux paliers de gouvernement. «Même si Québec reçoit l’argent du fédéral, rien ne garantit qu’il sera versé dans l’AFE», explique Christian Pépin, secrétaire à la coordination à l’ASSÉ. L’association nationale dénonce le fait qu’une partie des fonds pourrait servir à financer le réseau collégial et universitaire.

«Le gouvernement ne doit pas se déresponsabiliser du financement de l’éducation post-secondaire, maintient Christian Pépin. L’argent provenant du PCBE doit servir uniquement à diminuer l’endettement étudiant.» Il fait aussi valoir que le gouvernement du Québec a un grand rôle à jouer pour assurer l’accessibilité aux études, un enjeu capital pour l’ASSÉ et ses 40 000 membres.

Du côté du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Ahissia Ahua, conseillère en communications, soutient que les négociations avec le fédéral se poursuivent afin de «récupérer la pleine part du Québec» et que les étudiants ne seront pas pénalisés par la dissolution de la Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire.

Le gouvernement fédéral est peu loquace sur l’avancement de ces discussions. Interrogée par Montréal Campus, Isabelle Gaudreau, porte-parole de Ressources humaines et Développement de compétences Canada, s’est bornée à donner la même réponse à trois questions différentes: des échanges ont lieu chaque année entre les deux paliers de gouvernement sur «l’impact des modifications apportées aux prêts étudiants fédéraux et provinciaux et aux programmes de bourses, avec l’objectif de clarifier leur incidence sur les paiements» faits au Québec.

Tous ensemble

Dans l’immédiat, la FEUQ et l’ASSÉ souhaitent étendre leurs campagnes de sensibilisation respectives à l’ensemble de la population. Pour Christian Pépin, cette lutte s’inscrit dans un plus grand combat pour l’accessibilité à l’éducation. «Il est grand temps de mener une réelle réforme de la fiscalité afin d’assurer la redistribution adéquate des richesses.»

Dernièrement, la FEUQ a mis en ligne une vidéo sur YouTube dans laquelle des étudiants de toutes les régions de la province exhortent le gouvernement Harper à respecter la compétence du Québec en matière d’éducation. Elle encourage aussi les quelque 125 000 étudiants qu’elle représente à contacter leurs députés provinciaux et fédéraux afin de leur faire part de leurs revendications. Le président de la FEUQ se dit par ailleurs très heureux de voir l’ensemble du mouvement étudiant se mobiliser pour une cause commune. «Au Québec, énormément d’étudiants sont sur l’aide financière, rappelle Jean Grégoire. C’est donc une corde sensible pour eux.»

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