Peut-on réellement échapper à notre passé? Le successeur, long métrage signé Xavier Legrand, traite du concept d’héritage familial dans un scénario sordide et captivant.
Ellias Barnès, un directeur artistique d’une maison de haute couture française interprété avec brio par Marc-André Grondin, semble à tous égards être épanoui dans sa vie à Paris. Loin de son Québec natal, il est déterminé à enterrer son passé, pour des raisons qui restent nébuleuses tout au long des 112 minutes du film.
À la suite du décès de son père, il est forcé de retourner au Québec pour la première fois en deux décennies. Un deuil non ordinaire attend Ellias, qui entretenait un lien difficile avec le défunt père.
Alors que le protagoniste anticipe une bénigne succession, les prochains jours chambouleront complètement sa vie; le legs de son père s’avère être bien plus lourd que de la simple paperasse…
Marc-André Grondin au sommet de son art
Dominique (Yves Jacques), un ami du père d’Ellias, séduit le public avec sa bonté et sa bienveillance. Le film repose cependant sur la performance étincelante de Marc-André Grondin. Presque 20 ans après C.R.A.Z.Y., le film qui l’a révélé au grand public, le Montréalais continue de s’imposer comme l’un des acteurs les plus importants du paysage cinématographique québécois.
Sa performance vulnérable s’avère extrêmement convaincante, notamment lorsqu’Ellias lutte contre son anxiété, offrant des crises de panique très crédibles. L’utilisation de plans séquences et de mouvements de caméra habiles crée un effet d’immersion dans la situation épineuse d’Ellias.
Scène après scène, le public assiste à une transformation du protagoniste. Tel un serpent qui mue, il semble peu à peu se débarrasser de son identité parisienne créée de toute pièce, dans laquelle il a rejeté son nom de naissance et adopté un accent français bancal. Ce jeu subtil, où il alterne entre ses deux identités avec une attention aux détails absolument épatante, est digne des grands. Chapeau à Marc-André Grondin d’avoir façonné ce personnage complexe et fascinant.
Scénario à couper le souffle
Malgré une entrée en matière plutôt décevante, Le successeur parvient à tenir l’auditoire en haleine dans sa deuxième moitié, comblant sans problème le rythme lassant des premières séquences.
Comparable à un accident de la route, le film de Xavier Legrand horrifie son public qui, malgré tout, ne peut s’empêcher de garder les yeux rivés sur cette situation qui ne cesse d’empirer. Le successeur accomplit ce défi par l’habile utilisation de la thématique de la famille, créant une proximité avec son public.
Le sentiment que cette terrifiante histoire pourrait lui arriver plane sur l’auditoire jusqu’au tout dernier plan du film.
L’atmosphère à la fois macabre et familière se distingue de la plupart des films de peur. Sans utiliser les codes de l’horreur traditionnels, le film parvient tout de même à glacer le sang, notamment grâce à son scénario d’un réalisme sensible et angoissant.
La chute en enfer d’Ellias suscite ainsi un sentiment d’épouvante chez le public qui est à la fois dégoûté et empathique envers la situation du personnage principal, malgré les prises de décisions parfois douteuses de ce dernier. Le Successeur n’est pas facile à digérer; il est lourd et tragique. Cependant, il s’avère particulièrement irrésistible et saura séduire quiconque aura la chance de le visionner.
Le Successeur est présentement en salle au Québec.
Le SuccesseurXavier Legrand 8/10 |
Laisser un commentaire