Blocage des nouvelles : redécouvrir notre indépendance

Depuis l’adoption du projet de loi C-18, le blocage des nouvelles de Meta nous rappelle ce que nous savions tous déjà : les réseaux sociaux ont pris une place trop importante dans la sphère médiatique. Il est temps de changer la donne.

Au cours des dernières semaines, le narratif entourant le projet de loi C-18 présente la riposte de Meta comme une catastrophe qui, à long terme, viendrait anéantir l’avenir des médias canadiens. Or, bien qu’il soit préoccupant de voir une multinationale censurer des nouvelles, nous devons cesser de voir cette manœuvre comme une fatalité. Il s’agit plutôt d’une opportunité pour nous, médias, de pouvoir redorer notre image et tisser des liens plus forts avec notre lectorat

Une nouvelle ère

Depuis l’avènement des réseaux sociaux au cours des années 2010, les médias d’information ont délégué à ces plateformes la responsabilité de relayer leur contenu. Est-ce que c’était une mauvaise idée ? Non. Il est de notre responsabilité à nous, les journalistes, de nous adapter à notre époque pour accomplir notre mission première : servir l’intérêt public. 

Toutefois, notre approche s’est révélée trop joviale. Avec une naïveté étonnante pour des « chiens de garde de la démocratie », nous avons cru aux réseaux sociaux.  Il faut dire que ces derniers ont suscité beaucoup d’engouement. Pour les médias, les Facebook, X (anciennement Twitter) et compagnie offraient sur un plateau d’argent la possibilité de rejoindre un large auditoire, rapidement et à un coût minime. À l’époque, il était inconcevable d’imaginer quelconque défaut à ces plateformes. 

Nous ignorions les coûts réels liés à l’utilisation de celles-ci. En échange du labeur de nos journalistes, nous avons délégué la gestion de nos communautés à ces réseaux. Ces derniers se sont enracinés au fil du temps dans les habitudes de vie et de prise d’informations de la société, devenant un élément indissociable de son quotidien. 

Comme beaucoup de lecteurs et de lectrices, nous n’avons pas lu les conditions de confidentialité de Meta. Nous avons coché « j’accepte » sans savoir que, comme des milliards d’utilisateurs et d’utilisatrices, nous lui donnions sur un plateau d’argent une importance trop grande dans nos vies. Nous avons nourri la bête et celle-ci veut désormais nous dévorer. Maintenant que nous sommes face au mur, que faisons-nous ? 

Le quatrième pouvoir

Il est important de se rappeler que nous détenons le plus grand pouvoir du monde, celui de nous exprimer. Nous nous exprimons habituellement pour les citoyens et les citoyennes. Aujourd’hui, il faut s’exprimer pour nous. Nous en avons le pouvoir, et surtout le devoir. Sans s’en douter, le blocage des nouvelles nous a ouvert une porte. Il nous a donné la possibilité de prendre du recul sur notre travail et la valeur de l’information dans une société aux transformations rapides. C’est à nous de saisir cette opportunité pour continuer à faire valoir notre travail. Le journalisme existait avant Meta, il existera après.  

Se réinventer 

Il est aisé de crier son mécontentement au milieu de la vague collective. L’écho des plaintes se perd dans la masse. Il faut désormais aller de l’avant. Redéfinir l’avenir du journalisme au Québec. L’utilisation de Meta restera ancrée dans nos mœurs pour un long moment encore, mais il n’est pas trop tard pour apprendre à s’en détacher. 

Ne nous voilons pas la face, les 62 millions de dollars que Meta devrait grâce à la nouvelle loi sont inestimables aux yeux des entreprises médiatiques canadiennes. Mais faute de pouvoir négocier, agissons.

Bien que les médias soient encore incertains quant à leurs réactions face au blocage des nouvelles, ils n’en demeurent pas moins actifs. D’une discussion à l’autre les journalistes amassent des idées, certaines depuis longtemps enfouies dans un coin de leur tête et dont ils peuvent désormais explorer le plein potentiel. 

La solution qui revient le plus souvent à nos oreilles est celle de l’instauration d’une plateforme publique pour relayer l’information produite par les médias. À l’instar d’Apple News, ce modèle nous permettrait d’évoluer sans les contraintes liées à la dépendance d’une multinationale capricieuse. 

Il était aussi possible de contourner Facebook avec des plateformes comme ZuckHub.ca. Même si celle-ci n’a eu qu’une brève existence et ne fonctionne plus, cette initiative québécoise a permis de générer des liens de sites de presse pouvant être partagés sur les réseaux de Meta. ZuckHub.ca a ironiquement envoyé promener les capricieux actionnaires du géant californien.  

Ces propositions ne sont encore que des ébauches de solutions à long terme, fruits de réflexions personnelles ou d’échanges en petits groupes. Il est temps désormais de collectiviser ces réflexions. Les médias doivent relever la tête et prendre les rênes de leur futur. Nous l’avons dit et répété : notre devoir est plus essentiel que jamais. Pour l’avenir de la démocratie, pour se dresser contre Meta, pour notre profession, pour la société : battons-nous.

 

Mention illustration : Élizabeth Martineau

Commentaires

Une réponse à “Blocage des nouvelles : redécouvrir notre indépendance”

  1. Avatar de TONDEUR Arthur
    TONDEUR Arthur

    c’est quoi Meta ?

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