Un manque d’œuvres d’art décrié à l’UQAM

Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 mars 2023

Échanger, se questionner, contempler… L’exposition d’œuvres d’art dans les couloirs de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) serait un atout pour la communauté étudiante, jugent des experts et des expertes interrogé(e)s par le Montréal Campus. Pourtant, rares sont les créations qui franchissent l’extérieur des murs de la Galerie de l’UQAM.

« Ce serait intéressant de développer la présence des œuvres d’art [hors des murs de la Galerie de l’UQAM] pour rencontrer un autre public que celui [qui vient pour la visiter», exprime la responsable de la médiation et des communications de la Galerie de l’UQAM, Léa Lanthier-Lapierre. 

Fondée en 1969, la Galerie de l’UQAM est composée d’une importante collection d’œuvres contemporaines qu’elle a héritée de l’École des beaux-arts de Montréal . Elle accueille également de nombreuses expositions, mettant en valeur le travail d’artistes indépendants et indépendantes ou de membres de la communauté étudiante de l’UQAM.  

Au-delà de sa renommée en dehors de l’université, la galerie s’adapte à la vie étudiante. « Nos expositions coïncident avec le calendrier étudiant », précise Mme Lanthier-Lapierre. Cette dernière a d’ailleurs remarqué que les visites des étudiants et des étudiantes sont plus nombreuses en début qu’en fin de session.  L’UQAM n’est pas la seule à pouvoir se targuer d’avoir une galerie d’art. L’Université de Montréal possède un centre d’exposition où des créations de la communauté étudiante sont présentées. L’Université McGill détient le Musée Redpath, dont les expositions abordent l’histoire naturelle. L’Université Concordia comporte quant à elle deux galeries : la Galerie FOFA, où sont exposées les œuvres de sa Faculté des beaux-arts, et la Galerie Leonard & Bina Ellen, spécialisée en art contemporain.  

L’art et ses bénéfices

Malgré la richesse de la Galerie de l’UQAM, peu de créations artistiques sont exposées ailleurs dans l’université. Toutefois, exposer des œuvres dans les espaces publics de l’UQAM comporterait plusieurs avantages pour la communauté étudiante, le grand public et les artistes, selon Véronique Côté, professeure à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM. Les premiers et les premières bénéficiaires seraient les étudiants et les étudiantes en art, qui pourraient faire connaître leurs productions dans les couloirs de l’UQAM, indique-t-elle. 

« C’est sûr que c’est extrêmement déterminant pour les étudiants d’être en contact avec des œuvres d’art et de pouvoir les diffuser », soutient la professeure. Elle ajoute que « ça pourrait créer un phénomène de symbiose. Les étudiants montrent ce qu’ils font et participent à la communauté ».

Pour la professeure à l’École de design de l’UQAM Louise Pelletier, « l’université a un mandat de faire rayonner le travail de la relève, de nos étudiants ». Dans sa politique numéro 10 à propos de la recherche et de la création, l’UQAM stipule d’ailleurs que « sa mission de recherche et de création est inséparable de sa mission d’enseignement ». Ce type d’exposition serait bénéfique même pour les étudiants et les étudiantes qui ne sentent pas concerné(e)s par l’art, insiste le professeur à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM Michael Blum. Il considère que l’art est une « forme d’apprentissage ». À son sens, une œuvre pousse à la réflexion. « On pourrait intégrer des œuvres d’art [en fonction des] départements. Par exemple, si on intégrait une œuvre là où les cours de marketing se donnent, elle aborderait l’économie des flux capitaux de manière innovante », illustre le professeur.

Véronique Côté cite l’exemple du Cégep de Saint-Hyacinthe où « une galerie a été mise en place. Cela suscite beaucoup de bonheur pour la communauté étudiante et les employés : ça crée un milieu de vie plus riche et des échanges ». Les bénéfices de mettre en évidence davantage d’œuvres d’art dans les universités iraient aussi aux artistes professionnel(le)s. Selon le professeur d’arts médiatiques de l’UQAM Paul Landon, les artistes sont de plus en plus engagé(e)s socialement. Ils et elles pourraient faire passer des messages à la communauté étudiante, en exposant à l’UQAM des créations abordant des enjeux sociaux et environnementaux.  

Des freins non négligeables  

Organiser des expositions sur les campus n’est pas chose facile. Face à un budget limité, les universités peuvent difficilement acquérir de nouvelles œuvres. 

Au-delà de l’aspect financier, l’avocat en droit de l’art et du patrimoine culturel  François Le Moine évoque plusieurs contraintes, comme le manque de protection des œuvres. « Il faut être capable de trouver des endroits adéquats, ce qui est compliqué quand il n’y a pas de surveillance permanente », fait remarquer celui qui est aussi chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.

L’UQAM peut compter sur son règlement numéro 10 concernant la protection des personnes et des biens : l’article 1.1.5 notifie par exemple que « les personnels du Service de la prévention et de la sécurité peuvent expulser toute personne qui refuse de se conformer aux articles concernant la sécurité ». François Le Moine rappelle que ce type d’initiative exige un contrat entre l’artiste et le diffuseur ou la diffuseuse. Cette entente peut notamment déterminer la rémunération, la livraison des œuvres et la durée du prêt. 

Léa Lanthier-Lapierre souligne quant à elle les enjeux de conservation des œuvres : « la température et l’humidité doivent être réglées », cite-t-elle en exemple.

Le manque d’œuvres d’art dans les universités n’est pas irréversible, croient les experts et les expertes rencontré(e)s par le Montréal Campus.  

« Les artistes [professionnels] sont-ils frileux ou les universités ne sont-elles pas habituées à exposer hors des galeries ? », questionne François Le Moine. L’avocat et les professeur(e)s interrogé(e)s s’accordent sur un point : les universités devraient commencer par encourager les initiatives d’expositions de leurs étudiants et de leurs étudiantes. 

Mention photo : Galerie de l’UQAM, exposition Eshi uapatakau ishkueuatsh tshitassinu / Regards de femmes sur le territoire, 2023

Erratum : Dans la version papier de l’hiver 2023, il est écrit que la Galerie de l’UQAM est composée d’une importante collection d’œuvres contemporaines qu’elle a héritée du Musée des beaux-arts de Montréal. C’est plutôt la collection de l’École des beaux-arts de Montréal.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *