« 2012/Dans le cœur », un plongeon assourdissant dans le passé

Le documentaire 2012/Dans le cœur, en salle depuis le 31 mars, immerge le public dans les événements du printemps érable. Cette critique des médias, du gouvernement et de la brutalité policière rouvre la discussion sur des moments qui ont marqué plusieurs étudiants et étudiantes.

 ? Quel est le spectacle de la révolte ? Quel est le spectacle de toi après ta mort ? » C’est sur cette narration troublante de Safia Nolin que débute le documentaire.

Des extraits vidéo de manifestations violentes et de marées humaines créent rapidement une ambiance stressante et crue. Le film tourne autour de trois événements principaux : la manifestation au Palais des congrès contre le Plan Nord, l’émeute au Congrès du Parti libéral à Victoriaville et les manifestations à Montréal, marquées dans l’imaginaire collectif grâce aux casseroles.

Âmes sensibles s’abstenir, car des images brutales sont au rendez-vous. Le documentaire est constitué de vidéos amateurs entrecoupées d’extraits de journalistes sur le terrain ainsi que de politiciens libéraux et de politiciennes libérales bien habillé(e)s. Les cris et les sons distordus ajoutés aux gaz lacrymogènes, jumelés à un montage saccadé, étouffent le public qui n’a que très peu de pauses lors du film.

« Ce que l’on voulait, c’était documenter l’expérience affective du mouvement et créer une sorte d’expérience immersive », raconte le coréalisateur et monteur Arnaud Valade en entrevue avec le Montréal Campus.

Une critique sanglante 

Le documentaire est loin de cacher son côté engagé et son opinion sur les événements de 2012. Les principaux et principales accusé(e)s sont la police, le gouvernement et les médias. 

L’une des narrations va comme suit : « La jeunesse étudiante découvre très vite une police qui lance des insultes racistes, misogynes et homophobes. Une police qui n’hésite pas à utiliser des coups de matraque et de bouclier, des armes chimiques, des grenades assourdissantes et des projectiles causant des blessures graves. »

Les images de brutalité policière ainsi que de manifestants et de manifestantes blessé(e)s sont au cœur du film. Un extrait saisissant montre un policier effectuant une agression agressive se faire attaquer par des personnes masquées. Cette violence est coupée par un porte-parole de la Sûreté du Québec (SQ) qui assure aux médias que le policier tentait « d’aider un citoyen ».

Arnaud Valade et son film critiquent la représentation criminelle des manifestants et des manifestantes par les médias. Selon le coréalisateur, « les casseurs » ont rapidement été associés à la communauté étudiante. Il déplore le mauvais portrait brossé par les médias traditionnels qui auraient dû faire preuve « d’une meilleure intelligence par rapport à la documentation de mouvements sociaux ».

Des liens historiques

Le documentaire, qui a gagné le prix coup de cœur du public au Festival du Nouveau Cinéma 2022, aborde à travers ses images perturbantes plusieurs sujets pertinents touchant l’histoire du Québec.

De nombreux parallèles historiques sont présents entre les événements de 2012 et le passé québécois. On y aborde notamment la création de la police sous une optique colonialiste. Le financement de la SQ et du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) est aussi montré du doigt, tandis que des mouvements comme Black Lives Matter demandent le contraire.

« En 2020, par une ironie dont seul le pouvoir est capable, le policier Ian Lafrenière, porte-parole du SPVM en 2012, est nommé ministre des Affaires autochtones pour le Québec », souligne la narratrice, Safia Nolin.

La crise d’Octobre de 1970 est aussi mentionnée pour ses quelque 500 arrestations et son déclenchement de la Loi sur les mesures de guerre permettant de suspendre les libertés civiles. Le documentaire compare cette crise à celle du printemps érable : « Ce sont 3500 manifestantes et manifestants qui sont arrêté(e)s [en 2012] et 1500 de plus l’année suivante, ce qui représente la plus grande rafle de l’histoire du Québec et du Canada ».

Une plaie encore ouverte

Pour les dix ans de cette grève étudiante, le film a pour but « d’activer une mémoire collective, puis d’ouvrir des questions qui ont été fermées après 2012 », explique Arnaud Valade.

Le réalisateur mentionne les émotions refoulées par une génération de jeunes étudiants et étudiantes. Ayant fait partie du mouvement de masse à 16 ans, le jeune monteur explique comment le printemps érable « a bouleversé la vie de milliers de personnes ». Le film permet de raviver ces émotions que plusieurs ont oubliées, estime-t-il. Les grèves étudiantes ont fini « tellement rapidement et en queue de poisson » en raison des arrestations de masse liées à la loi 78 visant à restreindre le mouvement, affirme le réalisateur.

Photo fournie par Diffusion Multi-Monde

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