Les recettes salées de l’UQAM

Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 novembre 2022

Débordée, fainéante ou mauvaise cuistot ? Peu importe, je suis incapable de planifier un lunch avant d’aller suivre mes cours. Alors sans repas, je suis devenue une habituée des offres alimentaires de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), et ce, au grand dam de mon portefeuille. 

L’UQAM dénombre six cafés étudiants, une horde de machines distributrices, la Cafétéria Hubert-Aquin et le Café Judith-Jasmin. Ces deux derniers sont gérés par les Services alimentaires de l’Université, tandis que les espaces étudiants sont liés aux associations étudiantes.

La gamme de produits alimentaires y est diverse, mais les prix sont pratiquement équivalents. Le café filtre fluctue autour de 2 $. Les sandwichs roulés sont vendus à peu près à 7 $ et les bols de salade à environ 12 $. Mis à part le café, ces items peuvent être achetés à un prix semblable dans les commerces proches de l’Université. 

La pérennité du coût d’un dîner à l’UQAM est loin d’être le fruit du hasard. D’après la coordonnatrice et responsable de l’approvisionnement du Café Le Philanthrope, Marie-Perle Fortin-Villeneuve, les Services alimentaires fixent les prix à la hausse. Le directeur de la Sphère de services, un organisme qui gère le café étudiant le Salon G, Daniel Vandal, confirme les propos de Marie-Perle. « Pour tous les produits qui sont vendus par les Services alimentaires, le Salon G n’a pas le droit de les vendre plus bas que 15 % [de la valeur établie par les Services alimentaires] », précise-t-il.

Au début de l’année, les cafés étudiants reçoivent la liste des prix de la Cafétéria Hubert-Aquin et régulent leurs tarifs en fonction. Les aliments y sont catégorisés « peu importe la qualité des ingrédients ou d’où ils proviennent », soulève Marie-Perle.  

Même si le Café Le Philanthrope est en mesure de vendre ses sandwichs roulés biologiques à 5,50 $, il doit les fixer au même prix que ceux de la cafétéria, soit à 7 $. 

Les Services alimentaires laissent sur le banc de touche la provenance des denrées, l’éthique de la production et les bienfaits des valeurs nutritives. Dans ce processus, la qualité de l’aliment a peu de valeur.

Le directeur des Services alimentaires, Louis Marcoux, n’a pas donné suite à ma demande d’entrevue.

Force est de constater que l’entente ne cherche en rien à soutenir les étudiants et les étudiantes. Dans l’article accordé aux cafés étudiants de la convention collective signée entre l’UQAM et le Syndicat des employées et employés de l’UQAM (SEUQAM), soit la lettre d’entente N° A-4, l’existence des cafés étudiants est identifiée comme une menace fiscale. 

« L’Université reconnaît que l’ouverture de cafés étudiants risque d’entraîner un manque à gagner pour les Services alimentaires, elle s’engage à résorber les déficits qui pourraient en résulter […] », peut-on lire.

Cette entente est un bâton dans les roues pour Marie-Perle, qui souhaite offrir des aliments abordables. L’étudiante raconte que Le Philanthrope est obligé de distribuer des boissons de kombucha à un coût plus dispendieux que celui des épiceries. « Ce n’est pas dans nos valeurs de vendre des affaires plus chères qu’au IGA », lance-t-elle.

Du côté du Salon G, l’entente n’est pas dénoncée. Daniel Vandal spécifie que le café étudiant ne se distingue pas avec ses coûts, mais avec sa gamme de produits. Celle-ci se décline selon trois lignes directrices : « la valeur nutritionnelle, la provenance et la certification », explique-t-il.

Le Salon G ne cherche pourtant pas à générer du profit. Si des surplus découlent du café étudiant, ceux-ci sont réinvestis vers d’autres programmes de l’organisme tel que le bac alimentaire, un service de dépannage alimentaire. Comme quoi l’appât du gain peut être mis au profit d’une solidarité sociale.

Savoir que le coût de mon repas à l’UQAM est régulé selon l’intérêt des Services alimentaires a ponctué mes visites à la cafétéria de nouveaux bruits. Maintenant, j’entends ma faim qui est empochée à grosse somme par la caissière, j’entends des ventres qui se creusent devant la hausse des prix et j’entends l’UQAM qui protège ses revenus plutôt que de miser sur un accès à l’alimentation abordable.

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