Les contrecoups de la pandémie sur les jeunes

Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 novembre 2022

Tandis que certains et certaines jeunes ont retrouvé une vie sociale depuis l’allègement des mesures sanitaires, d’autres continuent de souffrir des blessures infligées par la pandémie de COVID-19. C’est le cas de Robin Desrosiers, un étudiant de 19 ans qui s’accroche aux cours offerts en ligne et qui continue d’observer des changements dans ses habitudes sociales. 

Suivant des cours à distance en comptabilité et gestion depuis 2020, Robin a vécu comme plusieurs jeunes des moments difficiles durant la pandémie. « Au début de la pandémie, j’ai arrêté de faire du sport et ç’a été l’une des plus grosses erreurs de ma vie », atteste-t-il. La fermeture des centres d’entraînement en 2020 a démotivé Robin à rester actif physiquement. 

Ce dernier s’est tourné vers les jeux vidéo lors de sa première année au Cégep de Lanaudière à Terrebonne en 2020. « C’était tous les jours, à coups de 12 h ou 14 h par jour sans arrêt. Parfois, je tournais en rond dans un jeu parce que je n’avais même plus envie de jouer. C’est ce qui m’a rendu le plus “zombie” durant la pandémie »,  raconte-t-il. 

Aujourd’hui, il ne joue pratiquement plus aux jeux vidéo et il s’est remis au sport. Malgré le retour en classe à l’automne 2021, il a décidé de poursuivre l’école à distance après deux mois en présence au cégep situé dans Lanaudière. Il est maintenant étudiant en ligne dans le même programme au Collège de Rosemont. 

Un retour à la réalité abrupt

Le jeune homme a vite réalisé son inconfort lors du retour en présentiel durant l’automne 2021 avec les mesures sanitaires imposées. « Personne n’était d’accord sur rien par rapport à la COVID-19. Ça amenait des conflits d’intérêts en classe. Je n’aimais pas vraiment la position dans laquelle ça me mettait  », affirme Robin. 

Lors de la même session, il a aussi remarqué la difficulté d’établir un premier contact avec les autres étudiants et étudiantes. « Tu ne pouvais pas parler à quelqu’un sans que certaines personnes ne soient mal à l’aise face au virus. Ça a fait en sorte que je ne pouvais parler à personne », explique l’étudiant. 

Le cas de Robin n’est pas étonnant, selon Roxane de la Sablonnière, professeure titulaire au Département de psychologie à l’Université de Montréal. Elle explique qu’une « rupture sur les comportements » peut se produire lors d’un grand bouleversement social.

« On a appris à prendre nos distances des autres, même des gens qu’on aime. Cela [contribue à] créer un climat d’incertitude. Ça fait en sorte qu’on peut se poser beaucoup de questions sur le plan collectif ou individuel », mentionne Mme de la Sablonnière. 

Des changements d’habitude

Apprendre à vivre avec la solitude, c’est ce que Robin a commencé à faire après avoir remarqué qu’il avait changé ses habitudes sociales. « Avant, j’aimais vraiment voir constamment mes amis et je ne savais pas vraiment c’était quoi être seul. J’avais besoin de parler avec des gens, témoigne Robin.  J’ai pris goût à être seul et à moins voir mes amis. Je ne sais pas si c’est une bonne chose ou une mauvaise chose. »

Désormais, il considère ressentir moins de plaisir à sortir avec des ami(e)s : « Ça doit vraiment être la meilleure occasion du monde [pour sortir]. Sinon, je ne m’amuse plus tant que ça. » 

Le jeune adulte relate avoir aussi observé des changements du côté de ses ami(e)s avec qui il jouait aux jeux vidéo. Il affirme que la pandémie aurait brisé certains d’entre eux et certaines d’entre elles. « Tous leurs buts dans la vie se sont détruits à cause de la COVID-19. Ils n’avaient plus [d’ambitions]. Ces gens-là sont tombés dans des dépendances à la drogue, se désole Robin. Certains sont devenus paranoïaques et ne sortent plus [de chez eux]. »

Mme de la Sablonnière constate que plusieurs études ont démontré une hausse de l’anxiété et des symptômes dépressifs chez les jeunes depuis le début de la pandémie. 

Carl Damas, chargé de projet pour l’organisme Tel-jeunes, énonce que le nombre de demandes d’aide a augmenté depuis son arrivée en 2020. « Le fait de se sentir plus seul et de ne pas avoir d’amis, c’est toujours quelque chose qui revient », détaille-t-il. Selon M. Damas, 40 % des interventions à Tel-jeunes ont porté sur la santé mentale. 

L’impact du climat familial

Les parents de Robin ont eu peur que son retour à distance au cégep à l’automne 2021 affecte son autonomie. « Au début, mes parents n’étaient pas [convaincus] », lance Robin.

L’étudiant n’avait pas la même vision. « Pour moi, l’école en vrai n’a pas fonctionné. Ce n’est pas tout le monde qui est bien dans cet environnement. Ce n’est pas [dans un établissement scolaire] que tous peuvent se surpasser », ajoute-t-il.

M. Damas estime que la famille a son rôle à jouer chez le bien-être du jeune, dans ses choix et ses émotions, entre autres. « La réaction générale de l’entourage face à un jeune qui souffre, c’est souvent l’impuissance, soutient-il. L’important, c’est de lui donner les outils nécessaires pour l’aider, mais aussi de l’espace pour vivre ce qu’il a à vivre. »

Enfant dans une famille de huit, Robin a parfois ressenti des tensions au sein de celle-ci. « Une personne dans mon entourage a adhéré aux théories du complot. C’est vraiment difficile, parce que ça engendre beaucoup de conflits dans la maison avec le reste de la famille. Ça dérange tout le monde », raconte-t-il. 

Robin envisage de suivre des cours en présentiel au Collège Ahuntsic en informatique à la session d’hiver 2023, mais il songe encore à rester en ligne. « Je n’ai pas nécessairement l’envie de m’adonner à des relations sociales dans le milieu de mon école. Je trouve que je suis rendu à un point dans ma vie où j’ai vraiment besoin de me concentrer sur moi », décrit celui qui approche la vingtaine. 

Malgré tout, le jeune homme organise sa future routine en vue de son retour au cégep, en espérant réussir à s’adapter à son nouveau milieu scolaire sur l’île de Montréal.

Mention photo : Malika Alaoui | Montréal Campus

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