Le lent réveil de la mobilisation étudiante

Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 novembre 2022

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, une diminution marquée de la mobilisation étudiante s’est fait sentir à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et dans d’autres universités. De la fatigue pandémique à l’épuisement militant, les hypothèses pour expliquer ce phénomène sont nombreuses.  

« Depuis quelques années, le mouvement étudiant est dans un creux de vague », indique Simon Berger, membre de la Riposte socialiste à l’UQAM, un groupe prônant les valeurs socialistes et marxistes. La participation étudiante dans les associations étudiantes et au sein de diverses luttes sociales a été marquée d’une baisse au cours des dernières années.

L’hiver dernier, les manifestations pour la gratuité scolaire, qui faisaient écho à celles du printemps érable de 2012 contre la hausse des droits de scolarité, n’ont réuni que quelque 2000 étudiants et étudiantes. Ce nombre est incomparable aux foules que la grève de 2012 avait déplacées dans les rues. À son apogée, ce mouvement étudiant avait mobilisé 200 000 personnes lors de la manifestation du 22 mars 2012 à Montréal.

Plusieurs personnes interrogées par le Montréal Campus attribuent ce désintérêt à la pandémie de COVID-19 et à l’isolement social qu’elle a imposé.

Se mobiliser à distance

Durant le confinement, Mireille Allard, étudiante à la maîtrise en science politique à l’UQAM, a remarqué « à quel point ce qu’on était capable de faire était limité en termes de mobilisation ».

Ayant été très engagée dans le mouvement étudiant entre 2014 et 2020, elle a constaté que la vie étudiante « repose tellement sur les espaces » et qu’avec la pandémie, ces espaces ont été remplacés par des écrans.

D’après Mireille Allard, le confinement a « coupé sec » les manifestations qui avaient lieu tout juste avant la pandémie, comme celles pour une justice climatique. Cette interruption explique en partie le manque d’engagement étudiant depuis le retour en présentiel, selon elle.

Laurianne Jacques, ancienne membre du comité exécutif de l’Association générale des étudiants en communication (AGEC) de l’UQAM, estime que la pandémie a causé une « perte des traditions ». Celle-ci évoque le confinement, qui a freiné les événements sociaux visant à encourager la participation étudiante.

Même après le retour des cours en présentiel, Laurianne Jacques remarque que les nouveaux étudiants et les nouvelles étudiantes ne perpétuent pas les traditions.

De plus, « l’UQAM est devenue beaucoup plus frileuse en ce qui concerne l’alcool et les événements dans l’Université », d’après la bachelière en télévision. Cette dernière croit que ce resserrement des règlements rend plus difficile d’organiser des événements pour rallier les nouvelles cohortes à leurs associations étudiantes.

Du chemin à faire  

Rozana Ryan, étudiante en histoire à l’Université de Montréal et coordonnatrice des affaires internes de son association étudiante, déplore le manque d’engagement des membres de la communauté étudiante pendant les assemblées générales.

« La majorité des gens se présentant aux assemblées générales sont les membres du conseil exécutif de l’association, et ce n’est pas assez », déplore l’étudiante. Elle explique que depuis la pandémie, son association peine à atteindre le quorum pour voter sur différentes problématiques.

Les associations étudiantes jouent un rôle de « microsociétés » dans les universités, d’après Rozana Ryan. « Une asso, ce n’est pas juste politique, c’est pour le plaisir, pour les activités, c’est une communauté », ajoute l’étudiante, qui essaie d’encourager l’implication universitaire à l’aide des réseaux sociaux.

Pour certaines personnes, c’est le manque de temps et le coût de la vie qui les empêchent de s’impliquer auprès des associations étudiantes. Cassandra Lépine, étudiante au baccalauréat en action culturelle à l’UQAM, explique qu’elle ne s’implique pas dans son association étudiante pour des raisons purement circonstancielles.

Originaire de l’Estrie, Cassandra a dû subvenir à ses besoins lors de son arrivée à Montréal. « J’ai dû travailler à temps plein pour payer mon appartement », explique-t-elle. L’étudiante vivait seule lors du début de son parcours dans le baccalauréat en action culturelle. N’ayant « pas accès aux prêts et aux bourses du gouvernement », elle a aussi dû devenir étudiante à temps partiel en suivant trois cours par session.

Cassandra Lépine n’avait donc que très peu de temps pour s’impliquer dans la vie étudiante, étant déjà assez occupée à payer son appartement et sa session.

Un nouveau souffle

Mireille Allard rappelle qu’après de grandes mobilisations étudiantes, une « baisse d’implication » peut habituellement être remarquée dans la communauté. Une certaine fatigue militante s’était fait remarquer après la grève étudiante de 2012. Selon l’étudiante, le même phénomène s’était produit à la suite de la grève des stages qui a marqué les années 2016 à 2019.

L’étudiante à la maîtrise en science politique remarque toutefois une recrudescence des manifestations et des revendications étudiantes depuis l’automne. En septembre dernier, des milliers de jeunes sont descendu(e)s dans les rues montréalaises pour revendiquer une plus grande justice climatique.

Au moment où ces lignes étaient écrites, l’ADEESE venait de terminer une grève de cinq semaines pour revendiquer de meilleures conditions de stages.

Aujourd’hui, la mobilisation étudiante se réveille petit à petit. Le confinement a été  « propice au questionnement », selon Simon Berger. Ce dernier ajoute que la pandémie a agi comme un « accélérateur de prise de conscience ».

Puisque le temps pour regarder autour de soi ne manquait pas durant le confinement, certains enjeux comme l’inflation, la crise du logement et l’environnement sont devenus plus urgents pour plusieurs personnes, conclut l’étudiant.

Mention photo : Camille Dehaene | Montréal Campus

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