Si l’excellence avait un nom

Son nom se lit un peu comme d’autres se chantent. C’est un nom qui est à la fois promesse et fardeau de liberté pour celle qui le porte. Un nom qui risquerait d’écraser quiconque n’a pas l’audace de l’habiter pleinement. Par chance, l’audace est une chose dont l’autrice, animatrice et chroniqueuse Rose-Aimée Automne T. Morin ne manque guère.

Cette audace, Rose-Aimée l’a faite sienne, certes, mais elle en a aussi hérité comme ultime legs d’un père faisant fi des conventions. Tandis que la petite Rose-Aimée n’a que deux ans, son père reçoit un diagnostic de cancer : on lui donne alors deux ans à vivre. Il mourra finalement quatorze ans plus tard.

Dès lors que l’imminence de la mort pèse sur l’homme comme une épée de Damoclès, un sentiment d’urgence l’habite. Ses jours sont comptés, tous et toutes le savent, son père plus que quiconque. Il se lance alors la mission d’élever sa fille à l’image de la femme qu’il juge parfaite : une féministe, libre et cultivée, sans compromis. 

Très jeune, Rose-Aimée est initiée au jazz et aux échecs, elle est confrontée au pire du monde extérieur et discute politique et souveraineté à l’heure des repas. « Mon père ne se limitait pas à mon âge, il était mourant et ne savait pas combien de temps il aurait pour m’obliger à lire Sartre », raconte la jeune trentenaire. 

Rien de plus normal, donc, qu’en sixième année, elle choisisse d’expliquer sa vision de La Putain respectueuse, une pièce de Jean-Paul Sartre, lors d’un exposé oral obligatoire. « Pour moi, c’était tout à fait naturel. Je n’étais pas consciente de l’absurde ou du loufoque de la  situation : j’allais expliquer l’existentialisme à mes collègues de classe », se souvient-elle.

Grandir à contre-courant

Enfant, Rose-Aimée le sera éventuellement, mais bien plus tard. À son arrivée au cégep, tout juste sortie de l’adolescence et récemment endeuillée de son père, elle est fascinée par la singularité assumée et par la flamboyance de ses pairs. « C’est comme si je venais de faire le chemin inverse. Après avoir été complètement adulte trop jeune, j’ai enfin réalisé que j’avais le droit de jouer, moi aussi. »

Après ses années collégiales, Rose-Aimée s’inscrit à l’UQAM où elle obtient un certificat en création littéraire, puis un second en communication. En vue d’obtenir un baccalauréat par cumul, elle entreprend enfin un certificat en anglais qu’elle ne terminera pas, sitôt conviée sur le marché du travail comme recherchiste. Son parcours sur les bancs d’école se termine au printemps 2011. 

Alors qu’elle travaille pour Marie-France Bazzo, Rose-Aimée a pour invité le fondateur et directeur du magazine URBANIA, Philippe Lamarre, avec qui elle discute brièvement, en coulisses. Fascinée par sa conception des médias et par la mission d’URBANIA, elle lui écrit. « Il m’a répondu : Ça tombe bien,  je me disais justement que j’avais trouvé la prochaine rédactrice en chef d’URBANIA en sortant du tournage.” », se souvient Rose-Aimée. Elle occupera finalement ce poste pendant près de quatre ans, jusqu’en 2018.

À la conquête des médias numériques

À ce moment de l’entretien, un félin au pelage de feu, à l’image de la chevelure de sa propriétaire, s’invite dans le cadre de sa caméra. Ça, c’est Noune-Alexandre Gallagher. Évidemment, on est assez loin des Tigrou et Simba. « Noune-Alexandre, impossible à expliquer, c’est juste un excellent nom. » Et Gallagher ? Aurait-on une admiratrice du farouche attaquant numéro 11 de la Sainte-Flanelle ? Pas du tout. « C’est en hommage à Noel Gallagher, guitariste du groupe Oasis. » Ah. J’aurais dû m’en douter. 

L’aventure comme rédactrice en chef chez URBANIA se termine en 2018, tandis qu’elle multiplie les collaborations. À la télévision, on peut la voir dans Code F et ALT, sur les ondes de VRAK, de même qu’à On va se le dire (ICI Radio-Canada). À la radio, elle tient notamment une chronique à On dira ce qu’on voudra (ICI Première) et anime le balado Comme disait… 

Habitée par une forte pression de performance, Rose-Aimée porte à l’écran la série documentaire Comment devenir une personne parfaite. En cinq épisodes, elle embrasse à l’extrême les attentes irréalistes de la société à l’égard des femmes et d’une génération de personnes superperformantes. Elle documente son objectif de devenir plus intelligente, organisée, sexy et spirituelle. 

Des médias où elle s’illustre, c’est toutefois la radio qu’elle préfère. « J’y trouve une grande liberté qui me permet de combiner à la fois le plaisir de l’écriture et celui de la performance. » Surtout, dit-elle, c’est le contact humain qu’offre la radio qui lui plaît. 

La pertinence d’une plume

« Rose-Aimée, c’est une première de classe : elle se mérite une note parfaite », affirme sans détour Laurie Dupont, cheffe de contenu culture et société chez Elle Québec, là où Rose-Aimée tient une chronique mensuelle. « Elle a une bonne intelligence émotionnelle et sait jusqu’où aller tout en demeurant audacieuse et pertinente », explique Mme Dupont, en se rappelant un texte de Rose-Aimée sur le vieillissement du sexe féminin.

Si Rose-Aimée diversifie ses apparitions, l’encre de sa plume ne s’est pas pour autant asséchée. En plus d’avoir rédigé La Vie pas toujours olympique de Marianne St-Gelais, un récit biographique de la patineuse de vitesse, Rose-Aimée a écrit deux livres : un essai journalistique, Ton absence m’appartient, et un récit d’autofiction avec Il préférait les brûler, mettant en scène le personnage de Fauve, le prénom que son père souhaitait lui donner. Elle rédige présentement un troisième ouvrage, purement fictif cette fois-ci.

Elle travaille en parallèle à la conception d’un film documentaire à venir en mai et d’une série documentaire attendue pour décembre de cette année. Et à cette Rose-Aimée Automne T. Morin à qui tout semble réussir, que peut-on souhaiter ? « Que je réussisse à écrire une chanson », répond-elle. 

Décidément, elle est pleine de surprises. 

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