Lorsque lame et université se saluent

Bien que l’escrime ait peu de visibilité au Canada, certain(e)s athlètes universitaires s’y adonnent à un haut niveau. La pratique de ce sport sur le circuit international ne se limite pas aux duels opposant deux adversaires avec fleuret, sabre ou épée à la main. Le quotidien atypique de ces sportifs et de ces sportives revêtu(e)s de leur combinaison blanche donne à la réalité étudiante un tout autre visage.

Les dix mois sur lesquels s’échelonne la saison des compétitions internationales d’escrime impliquent de nombreux voyages en avion, un entraînement assidu et peu de temps libre pour les athlètes universitaires. 

Fleurettiste de l’équipe olympique canadienne, Maximilien Van Haaster jonglait avec ce quotidien chargé lorsqu’il complétait son baccalauréat en nutrition à l’Université de Montréal (UdeM). « Ça demande beaucoup d’organisation. On doit parfois étudier dans l’avion ou à l’étranger », affirme l’escrimeur. « Je ne considère pas ça comme un sacrifice mais plutôt comme un choix », souligne celui qui portera le drapeau canadien aux Jeux olympiques de Tokyo, cet été.

Un atout universitaire

Double Olympienne, Sandra Sassine explique l’importance que les escrimeurs et escrimeuses accordent à l’université. « On a conscience qu’on ne peut pas faire de l’argent avec l’escrime donc on se doit de poursuivre des études », admet celle qui étudiait l’enseignement de l’éducation physique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) lors de sa carrière olympique. À défaut d’en vivre, la sabreuse affirme que l’escrime de haut niveau peut profiter autrement aux athlètes universitaires. Épéiste du circuit international, François Ouimet abonde en ce sens. La capacité d’analyse et la vivacité d’esprit sont des aptitudes cognitives que les athlètes développent en pratiquant ce sport de combat. « Il faut être conscient de ses propres habitudes et réflexes parce que les autres vont tenter de les exploiter », soutient celui qui étudiait l’enseignement en adaptation scolaire et sociale au secondaire. « Pour ça, il faut être détendu [et apprendre à gérer son stress] », ajoute Sandra Sassine. 

Des enjeux financiers

François Ouimet avance que les coûts élevés liés à la pratique de l’escrime de niveau international compliquent la carrière des athlètes universitaires. « C’est hallucinant comme ça coûte cher, en plus du prix de l’université ! J’ai payé 20 000 $ pour certaines saisons », témoigne-t-il. L’épéiste se réjouit toutefois d’avoir reçu une bourse de 1 000 $ donnée par l’UQAM en soutien à sa participation à l’Universiade 2019, une compétition sportive universitaire à l’image des Jeux olympiques. Il déplore cependant l’absence d’une ligue universitaire canadienne qui allègerait les frais des escrimeurs et des escrimeuses de haut calibre. 

« C’est possible de développer son potentiel au Québec, mais ça demande plus de motivation », ajoute Maximilien Van Haaster. Faute de soutien financier, le fleurettiste souligne que plusieurs décident d’aller étudier à l’étranger, là où ils et elles seront subventionné(e)s. 

Mais cette éventualité ne fait pas l’unanimité. « Quand j’étais au sommet de ma carrière, j’ai eu l’opportunité d’aller étudier aux États-Unis et de m’y entraîner », raconte l’étudiant en psychologie Loïc Beaulieu, qui sillonnait le circuit international avec son épée. Ne souhaitant pas « tout laisser derrière lui » pour étudier dans un pays qui favoriserait son développement sportif, il a décliné l’offre. Il s’est plutôt résigné à diminuer la fréquence des concours internationaux pour se concentrer sur ses études. « Tous ces sacrifices ne sont nécessaires que parce que nous n’avons pas le financement qu’il faut [ici] », se désole l’épéiste.

Un sport incompris 

D’après Loïc Beaulieu, la complexité de l’escrime pourrait expliquer son manque de visibilité au Québec. « C’est un sport assez difficile à comprendre » si on n’a pas l’œil aguerri, avoue l’étudiant à l’UdeM. « Il y a trois armes qui comportent chacune des règlements différents, ce qui désintéresse rapidement plusieurs personnes », ajoute-t-il. 

Selon lui, le peu d’intérêt accordé à ce sport aurait aussi un impact sur le manque de soutien envers les escrimeurs et escrimeuses universitaires : la province n’est pas tentée d’investir dans un sport peu regardé. 

En réponse à ce manque de publicité, Sandra Sassine soutient que « c’est le rôle de l’athlète d’être ambassadeur de son sport ». La sabreuse, aussi membre du Comité olympique canadien, partage sa passion en offrant des conférences dans les écoles et les entreprises à travers le monde. « J’adore parler de mon sport et le faire essayer aux gens pour briser les idées préconçues », déclare-t-elle.

Mention photo Édouard Desroches | Montréal Campus

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