Le sous texte de la Loi 21

La Cour supérieure du Québec est sur le point de rendre son jugement concernant la Loi 21 sur la laïcité, mais le débat risque fortement de se rendre en Cour suprême du Canada, nourrissant ainsi la division entre les différentes visions de la laïcité. 

Historiquement, les Québécois et les Québécoises ont entretenu des liens complexes et de nombreux désaccords face au concept de la laïcité. Que ce soit lors de l’émancipation du clergé lors de la Révolution tranquille ou encore au moment de la tentative d’adoption de la Charte des valeurs par le Parti québécois de Pauline Marois en 2013, la province a peu à peu entrepris de tracer les limites encadrant la séparation de l’État et de la religion. Bien que l’époque où l’Église contrôlait pratiquement toutes les sphères de la société semble loin derrière, les questions liées à la tolérance face aux différentes croyances restent d’actualité et suscitent la réflexion.

La Loi 21 sur la laïcité, qui inclut notamment une interdiction de porter quelconque signe religieux pour les employé(e)s de l’État en position d’autorité – incluant les enseignants et les enseignantes – ne laisse personne indifférent(e). 

Comme l’explique le professeur associé au Département de sociologie de l’UQAM, Joseph Yvon Thériault, il existe une division au sein même du mouvement en faveur de la Loi 21. Alors qu’une certaine partie des fervents de cette législation s’inscrit dans la lignée de la Révolution tranquille en prônant la libération complète de l’État et la neutralité absolue, d’autres visent plutôt à empêcher la propagation d’un certain pluralisme religieux afin de préserver les valeurs traditionnellement québécoises. Ces derniers et dernières masquent leurs réelles intentions en se servant de la laïcité pour composer avec leur crainte du fondamentalisme religieux. Ironiquement, ils se disent en faveur de la Loi 21, mais s’insurgent lorsque le crucifix est retiré de l’Assemblée nationale. 

Ce sont exactement ces intentions déguisées qui constituent un problème, car elles apportent un obstacle direct aux luttes actuelles contre l’idée de la suprématie blanche. Dans une ère où les voix s’élèvent pour contrer le racisme systémique et dénoncer la stigmatisation des minorités, ce genre de loi représente certainement un risque de discrimination, en plus de nourrir les nombreux préjugés existants. 

Joseph Yvon Thériault rappelle que les principaux contestataires de la Loi 21 se trouvent dans la région de Montréal et dans les institutions universitaires. « C’est certain que dans le milieu universitaire, les jeunes sont plus portés à être contre la loi sur la laïcité », explique-t-il. Le professeur souligne qu’il ne s’agit donc pas tant d’un débat générationnel que d’un débat entre les régions du Québec, alors que les montréalais et les montréalaises semblent défendre plus d’ouverture d’esprit et de tolérance. Il est donc clair que le fait de baigner dans la diversité apporte une meilleure acception à la différence. Pourquoi donc tenter de camoufler certains aspects s’apparentant à des cultures qui divergent de la nôtre ?

Ensuite, les enseignants et les enseignantes du Québec qui sont considéré(e)s comme des employés de l’État en position d’autorité, ne représentent pas tant une figure d’autorité que la communauté dans laquelle ils et elles évoluent. Ces derniers devraient être le reflet de la société dans laquelle ils et elles enseignent. Alors que la diversité et le multiculturalisme représentent une richesse pour la province, il est impératif que la neutralité de l’État vis-à-vis des questions religieuses puisse être exprimée tout en permettant l’expression de toutes les nuances qui composent notre société. 

Finalement, c’est ce genre de débat qui contribue à l’avancement de la démocratie. La complexité du litige fait en sorte que cette loi n’a pas fini d’être discutée sur la place publique et que chaque citoyen et citoyenne verra son existence quelque peu influencée par le verdict final. Car après tout, peut-être que la culture québécoise et son rayonnement devraient plutôt passer par l’ouverture d’esprit et la beauté de la diversité. 

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