COVID-19 : l’hypocondrie en temps de pandémie

À la veille d’une pénurie mondiale de masques et de gel antibactérien causée par la pandémie de COVID-19, la peur semble se propager plus rapidement que le virus lui-même. Nombreux sont celles et ceux qui craignent d’être contaminé(e)s, voire de mourir.

La psychiatre et chercheure au département de psychiatrie de l’Institut de cardiologie de Montréal Dre Judith Brouillette le dit d’entrée de jeu : 7% de la population mondiale serait atteinte d’hypocondrie, soit 525 millions de personnes. L’hypocondrie est une préoccupation centrée sur la crainte d’être concerné par une maladie grave. Elle repose sur une interprétation erronée des symptômes physiques ou psychologiques. La maladie peut notamment se manifester par des crises.

Alex Guertin a 24 ans et a été diagnostiqué hypocondriaque en 2015. Confiant, il n’a pas ressenti le besoin de se rendre à l’hôpital depuis l’arrivée du virus au Canada. « Quelqu’un de mon âge, en bonne santé, va passer au travers, comme au travers d’une grippe », se rassure-t-il.

L’homme craint néanmoins une plus grande mutation du virus. « Si 90% de la population était infectée, je commencerais à avoir peur. »

Depuis l’arrivée du COVID-19 au Canada en février dernier, Alex Guertin n’a rien changé à ses habitudes de vie, contrairement à la Française Aline Virlogeux, qui peut côtoyer chaque jour jusqu’à 350 personnes sur son lieu de travail. Elle reconnaît aller fréquemment sur Internet pour s’auto-diagnostiquer.

Pour le psychologue médical spécialisé en maladies reliées à l’anxiété, Dr Patrice Ruffo-Pinard, Internet prend une place considérable chez les hypocondriaques. « Des gens vont s’asseoir devant l’ordinateur pendant des heures [à la recherche d’un diagnostic, mais] l’autodiagnostic ne les rassure pas. »

Depuis l’arrivée du virus en France, Mme Virlogeux a développé une peur bleue des lieux publics. Elle se rend tout de même trois à quatre fois par mois chez le médecin pour se rassurer sur son état de santé et celle de son fils de 20 mois.

Malgré cela, la pandémie de COVID-19 risque de modifier son agenda « J’ai bientôt rendez-vous à l’hôpital pour une IRM (imagerie par résonance magnétique, NDLR), mais je vais l’annuler, confie-t-elle. Je ne veux pas y mettre les pieds en ce moment. »

Afin de limiter le risque de contamination, le Dr Ruffo-Pinard certifie que le lavage des mains demeure la meilleure option. Suivant cette règle à la lettre, Mme Virlogeux confie s’être asséché les mains, en raison d’un lavage trop fréquent.

La peur se propage sur les médias sociaux

Mme Virlogeux déplore le manque d’information concernant ce coronavirus, mais le psychologue médical assure que « les informations sont suffisantes, mais elles sont noyées à travers les théories du complot, les personnes paranoïaques et les hypocondriaques ». M. Ruffo-Pinard ajoute que « les médias sociaux contribuent à créer de l’anxiété ».

Celle qui est hypocondriaque depuis trois ans évoque « de source sûre » le décès d’un sportif de 32 ans à Paris, mais aucun média n’a publié à ce sujet. Les réseaux sociaux, où prolifèrent les fausses informations, sont perçus comme des vecteurs crédibles d’information pour certaines personnes hypocondriaques.

Selon le professeur en psychologie de l’anxiété de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Frédéric Langlois, les médias peuvent jouer un rôle important dans l’anxiété des hypocondriaques, en aggravant leurs craintes. M. Guertin ne se dit pas plus inquiet par le COVID-19, mais il impute un ton alarmiste aux médias et se dit « agacé de n’entendre parler que de ça aux nouvelles ».

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