Lutter pour rapper

DOSSIER RAP QUEB | Effervescent pour certains, hermétique pour d’autres, une chose est sûre, le milieu du rap au Québec fait jaser. Un petit groupe d’artistes parvient à tirer son épingle du jeu dans un univers masculin tissé serré, où l’humour point parfois. Mais ce ne sont pas les seuls à savoir jouer avec le rythme et la poésie ; les femmes et la communauté LGBTQ ont aussi leur mot à dire.

Invisibles ou exclues, les minorités sexuelles participant ou désirant s’intégrer à la scène rap québécoise détonnent. S’opposant aux idées préconçues dans le milieu du hip-hop, Lucas Charlie Rose, rappeur et transgenre, se bat pour s’y tailler une place. Portrait.

Ayant lancé son premier album intitulé ROUGE au mois de juin, l’artiste établi à Montréal depuis sept ans croit que l’intégration des membres de la communauté LGBTQ (lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres et queer) à la scène rap serait essentielle pour exposer leurs réalités méconnues « Le hip-hop a besoin de gens qui [traitent de] l’oppression d’une manière qui n’a pas encore été entendue », déclare-t-il.

D’après son expérience, la légitimité de sa présence comme artiste trans au sein de la scène rap — un milieu dans lequel il est déjà difficile de percer — est constamment remise en question. Malgré la présence marquée de la communauté LGBTQ à Montréal, Lucas Charlie Rose croit qu’un « inconfort » subsiste dans l’univers du rap. « À Montréal, les gens [semblent avoir] un problème avec le hip-hop, [en plus] d’avoir un problème avec les gens transgenres. Être un homme transgenre qui fait du rap, c’est dangereux, quoi! Les gens me traitent comme de la merde, ils sont super transphobes, c’est fou! », lance-t-il.

Lucas Charlie Rose ne se sent pas bien accueilli dans le milieu hip-hop, notamment parce que plusieurs « ne [le] considèrent pas comme un homme ». L’artiste confie avoir dû limiter ses occasions de se faire entendre pour cette raison. « Je participe à des événements LGBTQ puisqu’il y a un manque d’opportunités [dans le domaine du spectacle], souligne le rappeur français de 24 ans. C’est presque impossible [en faisant partie de la communauté LGBTQ], de vivre de son art, dans le milieu du rap. Je ne me fais pas bien payer; je ne me fais pas payer », avance-t-il.

Sentant que les réalités sont délaissées, il a créé Trans Trenderz, un collectif international d’artistes hip-hop exclusif aux personnes transgenres. Le groupe s’adonne notamment à des compétitions de rap en ligne. Leur mixtape, une compilation de chansons originales, est attendue pour le mois de novembre.

Le milieu artistique hip-hop semble être ancré dans une logique qui souligne son manque de connaissances à l’endroit de la communauté LGBTQ, croit Tony Esposito, conseiller bénévole aux Archives gaies du Québec, un organisme à but non lucratif qui conserve tous les documents et les objets témoignant de l’histoire de la communauté gaie et lesbienne du Québec. « Quand la musique rap s’est installée dans le quotidien du grand public, son discours était parfois homophobe, transphobe, sexiste, misogyne ou simplement discriminant ou haineux, explique-t-il. La présence de propos homophobes des rappeurs québécois survient [toujours] dans les duels-spectacles, où l’insulte est de mise. »

Aujourd’hui, des artistes issus de minorités sexuelles forcent les serrures de la scène rap québécoise et tentent de renverser la tendance qu’ils critiquent. « Nous avons vu [certains acteurs] de la communauté rap s’élever contre ces discours ; il y a eu une émergence d’artistes rappeurs LGBTQ et de femmes rappeuses qui viennent contrebalancer les discours stéréotypés », observe Tony Esposito.

Photo: CATHERINE LEGAULT
Lucas Charlie Rose considère que le milieu du rap québécois est transphobe.

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