Aristote avait un toupet

Quand je ne suis pas au local V-1380, en train de vendre des beignes, je vends des livres dans une librairie bien connue. J’y travaille avec des gens cultivés, des universitaires, des libraires d’expérience, des gens qui lisent les journaux, et pas seulement ceux imprimés dans un point de caractère assez gros pour être lu de l’autre côté de la rue. Bref, des gens agréables et instruits.

On se jasait, pendant que j’accrochais des paquets de papier de soie juchée sur un escabeau, et c’est là qu’un de mes collègues m’a dit ce qui allait déclencher un petit cours de journalisme. Bien tombé parce que justement, on en avait discuté entre journaliss pendant la semaine, je me sentais pas pire en confiance dans mon argumentaire. C’était quand même un cours bien humble, vu ma position de journaliste très en herbe, mais quand même, j’étais sur un escabeau et pendant un moment j’me suis un peu prise pour Aristote. Avec un toupet.

Collègue avec un beau chandail ce jour-là: «J’en reviens pas de l’article de *nom d’un éditorialiste bien connu* dans *nom d’un journal au logo rouge*, c’est pas objectif pantoute.»
Sandrine, toujours sur son escabeau: «C’est pas un article de nouvelles, ça a pas besoin d’être objectif, c’est un édito. C’est ça le but, exprimer un point de vue.»
Collègue au beau chandail: «Okay… mais c’est quoi la différence?»

C’est ici que je m’arrête sur ma mise en situation pour m’adresser à ma mère, à ma soeur, à mes amis, à mes collègues et à tous ceux qui ne passent pas des heures à réfléchir sur le journalisme. Je vous ai concocté un petit guide pour vous aider à faire la différence entre les genres journalistiques. Vous allez voir, c’est simple et j’ai même pris la peine d’y ajouter quelques exemples pour rendre l’exercice encore plus clair. J’ai choisi de définir trois «genres», les plus mélangeant pour le badeau/quidam moyen. Let’s go, on part.

Éditorial : C’est un type de texte qui, en règle très très générale, représente le point de vue d’un journal. C’est souvent une seule personne qui l’écrit, mais avec la concertation de la direction du journal et/ou de la rédaction en chef (si ce n’est pas elle-même qui l’écrit). André Pratte de La Presse, par exemple, est éditorialiste en chef. Il dirige l’équipe d’éditorialistes et ses papiers sont représentatifs de l’opinion de LA PRESSE (j’écris en majuscules pour décrire l’ensemble du journal).

Chronique : Être chroniqueur, c’est la liberté. Il n’est pas possible pour un chroniqueur de dire n’importe quoi, restent les balises du respect et de certaines règles de déontologie, mais le chroniqueur n’est pas tenu de respecter la «ligne éditoriale» du journal pour lequel il écrit. Il peut penser ce qu’il veut, sur le sujet qui lui convient, sans demander la permission à la haute direction. Le chroniqueur ne représente que sa propre opinion et non pas celle du journal. Manon Cornellier du Devoir, Hugo Dumas de La Presse et Richard Martineau du Journal de Montréal, sont tous des chroniqueurs, à titre d’exemple.

Article : Je me permets de mettre dans cette catégorie tous les textes exclus des genres d’opinion. Par article, j’entends texte journalistique rédigé sur la base de faits véridiques, vérifiables et surtout, dénué de toute opinion de la part du journaliste qui le rédige. Je m’abstiendrai d’exemple ici, mais disons que si vous lisez le nom d’un journaliste dans votre quotidien préféré et qu’il ne donne ni son opinion, ni celle du journal qu’il représente, les chances sont fortes pour qu’il écrive pour la présente catégorie.

J’ai tenté de trouver une locution latine adéquate pour terminer sur une note originale, mais en vain.
Alors je me suis plutôt tournée vers Jean-Pierre Ferland.

Quand on sait tout on ne sait rien, je sais peu mais je le sais bien
J´ai appris dans un quotidien toutes les lois fondamentales
J´ai appris ce que je savais, le moins c´est faux, le plus c´est vrai.

Sandrine Champigny
Rédactrice en chef
redacteur.campus@uqam.ca

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