Procrastination à l’ère du beigne

La première fois que j’ai eu à faire une entrevue pour un texte dans le Campus, j’ai repoussé quotidiennement l’appel fatidique durant presque deux semaines. Trop peur de déranger.

«Ben voyons. Le gars ne voudra quand même pas perdre son temps avec une pauvre nouille du journal étudiant», que je me disais. Si ma mémoire est bonne, c’était avec quelqu’un de chez Sodexo. Je préparais un reportage sur la bouffe bio à l’UQAM. Mon baptême du journal, du local crado et des vieux beignes secs. Mais surtout, mon baptême du terrain.

J’ai mis du temps avant de décrocher le téléphone dès que je me lançais dans un sujet. «Bah, je peux toujours appeler demain.»

Encore aujourd’hui, sept ans et des centaines d’entrevues plus tard, j’ai parfois ce vilain réflexe, lorsqu’un interlocuteur me rebute. Je repense souvent au bien inoffensif monsieur de Sodexo. Ça me fait sourire.
Avec le recul, je me rends compte de tout ce que je dois au Campus. Pas qu’il ait fait de moi une meilleure journaliste (ça, ça se travaille toute une carrière). Mais sans lui, je crois que je n’aurais pas été journaliste du tout. Malgré trois années au baccalauréat en journalisme, c’est là que j’ai vraiment compris ce qu’était le métier. Que j’y ai gouté. Touché. C’est aussi là qu’un chef de pupitre aux airs de Ken a été le premier à me dire de «refaire mon lead». J’ai sûrement eu envie de pleurer.

C’est indéniable, le Montréal Campus est une véritable pépinière de journalistes.

Vous voulez la preuve ? Facile. À La Presse, je suis littéralement encerclée par des anciens. Devant moi, une ancienne rédactrice en chef (Catherine Handfield). À ma droite, deux autres (Vincent Larouche et Pierre-André Normandin). De biais, encore une autre (Isabelle Hachey).

On est plus d’une trentaine dans la salle de rédaction à avoir collaboré de près ou de loin au journal étudiant. Au pupitre, à la photo, aux reportages, même derrière les fenêtres des bureaux des patrons.

C’est pas compliqué, je pense que sans le Campus, La Presse serait carrément menacée de faillite. C’était la même chose quand j’étais au Journal de Montréal, c’est la même chose dans bien des salles de rédaction montréalaises.

Gabrielle Duchaine
Journaliste
La Presse

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