L’Islam, le vin et les femmes

Djemila Benhabib, auteure de Ma vie à contre Coran

Photo Marie-Dominique Asselin

«Pour les musulmans, un homme qui boit du vin est raffiné, une femme qui en boit est une pouffiasse.» Djemila Benhabib témoigne du fanatisme islamiste dans son essai Ma vie à contre Coran.

 

Cheveux courts, dans la trentaine, vêtue de couleurs éclatantes et perchée sur des talons hauts, Djemila Benhabib respire la féminité quand elle entre dans le café de la rue Saint-Denis où elle rencontre Montréal Campus. Au premier coup d’œil, rien ne laisse présager que cette jeune femme d’origine musulmane est en fait l’une des plus grandes militantes féministes et anti-islamistes de sa génération. Sa première publication a en effet été écrite en réaction à certaines conclusions de la commission Bouchard-Taylor touchant aux islamistes. Laïque et féministe, l’auteur ne se laisse pas intimider par ces «fanatiques» qui l’ont obligée à quitter sa terre natale.

Djemila Benhabib, née en Algérie, a connu le début de la «terreur islamiste» qui a ravagé son pays dans les années 1990. Étudiante en physique à l’Université d’Oran, la jeune femme a refusé le port du voile, devenu obligatoire, ainsi que toutes les nouvelles lois, notamment un Code de la famille très rétrograde (voir encadré), imposées par les groupes islamistes algériens. «La première journée où l’obligation du port du voile est entrée en vigueur, j’ai regardé par la fenêtre pour voir si mes voisines et amies s’étaient voilées. J’ai vu quelques têtes nues, ce qui m’a encouragée à sortir sans cacher mes cheveux. Il y avait deux clans: les têtes nues et les voilées. Une solidarité régnait déjà entre les contestataires.» Les parents de Djemila, deux professeurs d’université dissidents, ont dû se réfugier en France en 1994. Hélas, l’Europe est aussi occupée par les islamistes: ne pouvant prendre possession du territoire algérien, certains fondamentalistes ont quitté leur pays pour tenter leur chance dans certains pays européens. La militante bouillonne de colère et décide de quitter l’Europe le continent américain. Elle apprend par un ami qu’une province canadienne est francophone. Cela suffit à la féministe qui arrive au Québec en 1997. Elle y termine ses études en droit international et fonde une famille.

En 2007, lors de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables, le combat reprend et la jeune femme se révoltée de nouveau contre les islamistes, mais aussi contre les deux commissaires qui, selon elle, n’ont pas compris la nature du problème. Prise d’une rage incontrôlable, la féministe à talons prend crayon et courage pour écrire l’histoire de ces groupes de radicaux. «Leurs demandes ne sont pas religieuses et encore moins traditionnelles. Ce sont des demandes politiques. Ils souhaitent que l’Islam mène le monde!» Elle précise, en parlant des étudiants musulmans de l’École de technologie supérieure (ETS) de Montréal qui ont demandé un lieu de prière sur le site de l’institution scolaire, qu’«il n’est écrit nulle part dans le Coran que les musulmans doivent prier à heure fixe. Et encore, il y a une mosquée à moins de deux cents mètres de l’ETS!  Messieurs Bouchard et Taylor n’ont rien compris en tentant de les accommoder.» Le seul moyen de contrer la montée du fondamentalisme, ajoute-t-elle, est de faire en sorte que l’État demeure laïc, et ce, sans exception. «Ce n’est pas au Québec de reculer, mais aux islamistes de s’adapter. Il faut que nos sociétés construisent sur ce que nous avons en commun.»

Les femmes contre-attaquent
Pour Djemila Benhabib, toute femme portant le hijab vit consciemment sous une dictature. Pourtant, lors du débat sur les accommodements raisonnables, beaucoup de femmes voilées, souvent universitaires, ont pris la parole pour demander le respect de leur choix religieux. La militante a été vexée de voir les astuces utilisées pour faire approuver cette «soumission silencieuse» qui règne chez ces femmes. «Selon le Coran, le port du voile n’est nullement obligatoire. Ces femmes ont choisi l’islamisme politique comme d’autres grands intellectuels ont choisi le fascisme ou le stalinisme. Il faut les combattre comme des ennemies politiques.»


Même si son livre sort à peine de l’imprimerie, Djemila Benhabib souligne fièrement que les Québécois ont été extraordinairement réceptifs et touchés par son récit. Pour ce qui est des islamistes, elle dit qu’ils parlent déjà d’elle sur leurs sites Internet, évoquant les représailles et la colère de Dieu. Malgré la menace qui pèse sur elle, l’auteure s’enchante déjà de l’exportation en Europe de Ma vie à contre Coran. Ce combat, elle le mènera à terme, même si cela lui demande l’effort d’une vie entière.
En 1992, les élections algériennes ont pris une tournure inquiétante. Le front islamiste du salut prend la tête avec 47% des voix, alors que le taux d’absentéisme est de 41%.  À la vue de ce résultat, l’armée algérienne interrompt les élections, provoquant la colère le groupe d’islamistes. La guerre civile qui s’ensuivit a duré toute la décennie. L’Algérie a vécu sous un régime de dictature où la femme a perdu la majorité de ses droits. Le code de la famille s’est intensifié et a imposé de difficiles conditions de vie aux femmes en déniant l’égalité entre les sexes, notamment en ce qui à trait au mariage, au divorce et à la tutelle des enfants.

 

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