Cinq questions à Xavier Dolan

Présenté en grande première au Festival du Nouveau Cinéma en octobre dernier, Xavier Dolan a pris le temps à l’époque de répondre à quelques questions. Entre deux journées de tournage de Mommy, son prochain long-métrage, le cinéaste nous en apprend plus sur son  récent opus, Tom à la ferme.

 Quel est ton passage favori de la pièce de théâtre de laquelle est tirée ton film ?

C’est quelque chose qui n’est pas dans le film en fait. C’est une scène avec le personnage d’Agathe qui était dans sa cuisine sur scène et qui parlait d’une salade de macaroni qu’elle avait dû faire à la demande générale de sa famille. Elle éclatait en sanglots dans la cuisine en disant à quel point elle faisait ça pour rien, qu’elle n’était reconnue que pour être la meilleure au monde dans quelque chose qu’elle détestait faire. Ce cri de détresse d’une mère m’a touché, parce que les relations mères-fils c’est…. (Rires) Need I say more? Donc c’est ça qui m’a attiré, puis finalement on l’a tourné, puis les distances théâtrales étaient trop gênantes dans cette scène-là, le monologue était un peu statique alors qu’on avait vraiment travaillé quelque chose de très extérieur avec ces personnages qui habitent sur une ferme, qui ne parlent pas beaucoup, enfermé dans une solitude, dans un mutisme. Tout à coup, c’était beaucoup d’expansivité pour un personnage que l’on connaissait comme timoré dans le reste du film.

À quel moment sais-tu qu’un film est terminé?

On le sent à un moment donné, on réalise que les manoeuvres ou les opérations que l’on veut faire en tant que monteur sont des trucs qui nous serviraient nous, plus que le film. Il faut vraiment le faire pour le film, pour l’histoire, pour le public, plus que pour satisfaire des caprices. Il faut savoir là où s’arrêter. Et on s’arrête là où on peut se dire, je pense,  »c’est ça le film que le public aimerait comprendre et aimer et que moi j’aimerais voir en salle ». Ça, ce détail-là, cette scène-là, c’est travailler dans l’invisible, ce n’est pas concret, ça ne sert pas le film.

Pourquoi le choix de la chanson Going To a Town à la fin du film ?

Honnêtement, il faut que vous alliez lire les paroles et ça raconte pas mal l’histoire du film. Pour moi, c’est ça le film. C’est exactement ce que raconte la chanson de Rufus Wainwright. C’est cette intolérance, qui est générée si on veut par l’héritage qu’on reçoit des États-Unis, mais aussi celle qu’on cultive nous-mêmes ici qui est commercialisé. C’est ça aussi l’Amérique, malgré toutes ses qualités, elle a cette façon de faire l’éloge constamment de la violence et de nourrir les haines respectives des communautés les unes envers les autres. Et je pense que la chanson de M. Wainwright décrit bien ça.

Est-ce que tu as du faire preuve d’autocensure dans ton rôle d’acteur?

Je voulais un film plus réservé au niveau du jeu, plus intérieur, moins latin si on veut. En ce qui me concerne-moi, par rapport à mon jeu, j’ai tout le temps la même approche, mais dans mes autres films, j’ai toujours laissé les acteurs principaux jouer leurs scènes en premier et j’ai tout le temps gardé mes scènes ou mes plans pour la fin. Ce qui fait que j’ai toujours précipité mes performances. J’ai décidé que ça ne serait pas le cas pour ce film-ci. Je voulais être bon comme les autres, je voulais qu’on soit tous au même niveau. J’ai toujours commencé par mes plans à moi pour m’en débarrasser et après, pouvoir me concentrer sur le jeu des autres. Avec du recul je pense que je l’ai appris lors des cinq dernières années de ma vie. Sur le plateau de Tom, il y avait des moments où il fallait apprendre à dire « c’est correct cette scène-là, on passe à autre chose » et où il fallait  recommencer quand je ne trouvais pas ça bon.

Est-ce qu’il y a un élément dans ce film qui t’a emmené plus loin par rapport à tes autres films?

Travailler avec Gabriel Yared à la musique. Il est clairement pour moi un grand esprit, quelqu’un que j’admire énormément. J’avais hâte de collaborer avec quelqu’un qui sait vraiment composer une instrumentale, une musique classique, c’était important pour moi.

Tom à la Ferme, de Xavier Dolan, Québec, 105 min

Crédit photo: Mmoloko

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