Créateur d’espaces

Dans la fleur de l’âge, Maxime-Alexis Frappier a déjà construit sa carrière sur des bases solides. Sa vision créative façonne chacun de ses projets.

L’immeuble de la rue de Gaspé à Montréal est anonyme, sans éclat, terne. Au troisième étage de l’édifice, des bureaux contrastent avec l’allure extérieure du bâtiment. L’entrée du bureau d’architectes ACDF est épurée et seulement un petit secrétaire et une chaise taillée dans le béton accueillent les visiteurs. Le maître d’œuvre de l’endroit est Maxime-Alexis Frappier, grand gaillard à l’énergie communicative. Assis au bout d’une grande table de travail, le crayon à la main, le récipiendaire du prix Jeune architecte 2013 d’Architecture Canada parle de son métier avec passion. Le jeune prodige mise sur une «créativité contrôlée», c’est-à-dire qu’il crée des œuvres architecturales plus originales, sans toutefois laisser de côté l’aspect fonctionnel. Il travaille d’ailleurs à vouloir changer ce processus d’octroi de contrat dans son domaine en convaincant le milieu de changer d’approche, pour que la créativité des projets prime sur les critères monétaires.

«Tant et aussi longtemps que t’as des honoraires dans le portrait, t’es fait», lance l’architecte de 36 ans avec aplomb. D’après lui, en choisissant un projet selon son prix et non selon sa valeur créative, les chances sont grandes de tomber sur des projets de pauvre qualité architecturale. «C’est pas vrai que c’est moins cher faire du laid», s’exclame-t- il vigoureusement. Il ajoute qu’en sélectionnant un projet selon ses qualités créatives, ça éliminerait toute forme de collusion.

Maxime-Alexis Frappier voit l’architecture comme étant au service des gens et des entreprises. «Ce n’est pas pour que les architectes se gargarisent de leurs œuvres, même s’il y en a de ça», précise-t-il. Son premier contrat majeur, réalisé pour une compagnie qui fabriquait des tuyaux de béton, lui a valu une médaille du Gouverneur général du Canada pour la qualité de son travail. «Notre nom a circulé vite, car on vendait la créativité», affirme-t-il fièrement.

Le goût de créer des espaces habite l’architecte depuis l’enfance. Que ce soit en jouant dans les grosses boîtes de pommes en bois du verger où il passait ses étés ou en creusant des igloos dans la neige, il aimait se retrouver dans des endroits qu’il avait façonnés. À son arrivée au Collège Notre-Dame en secondaire 3, il découvre des édifices patrimoniaux qui l’inspirent. Son propre collège, situé dans un bâtiment centenaire, et l’Oratoire St-Joseph, juste en face, est de ceux-là. Dans ses cours de français, il s’amusait à dessiner le sanctuaire. «Je dois avoir à peu près 50 versions de l’Oratoire modifié, en l’agrandissant, en le transformant, en changeant de toiture», se souvient-il, amusé. Ça a confirmé que je m’en allais en architecture.» Pour son ancien professeur à l’École d’architecture à l’Université de Montréal (UdeM), Jacques Lachapelle, le jeune étudiant était déjà, à l’Université, dans son élément. «Il avait un talent naturel, ça se faisait sans embûches. Il était parmi les excellents étudiants, toujours à l’affût de tout ce qui se disait pour nourrir sacréativité», se rappelle-t-il. En terminant l’université, le jeune homme a d’ailleurs été récompensé par le prix d’excellence de Canadian Architect, un prestigieux magazine dans le domaine.

L’art de rassembler

Maxime-Alexis Frappier a joué au football et au hockey lorsqu’il était au secondaire et au collégial. La pratique de ces sports d’équipe a été formatrice pour son futur métier, d’après lui. Très impliqué, il a aussi fait partie du conseil étudiant et de la troupe de théâtre du collège. «Pour moi, l’architecture, c’est avant tout d’arriver à ce que tout le monde soit dans la même chaloupe et rame dans le même sens. S’il y en a un qui ne rame pas bien, tu dois être capable de lui dire pour ne pas qu’il lâche sa pagaie», précise- t-il. Une capacité que le jeune professionnel maîtrise très bien selon son associé Sylvain Allaire. «C’est un leader-né. Il travaille en toute collégialité avec tout le monde.»

Après avoir fait partie de plusieurs bureaux d’architectes, dont la firme d’enver- gure Saucier Pérotte, Maxime- Alexis Frappier décide de s’associer à d’autres collègues afin de créer son entreprise en 2006. Le jeune impressionne Sylvain Allaire dès le début. «Ce gars-là est un génie multifacette. Il a de l’assurance, le talent, la verve, la passion», souligne-t-il.

En regardant ses maquettes placées au milieu de la table, il mentionne qu’un architecte créatif doit avant tout prendre du recul afin de bien concevoir le projet. L’enseignement qu’il pratique à l’UdeM chaque automne est une bonne façon d’y parvenir selon lui. Il dit aussi s’inspirer beaucoup de l’énergie des étudiants. «C’est un frein de sûreté que j’aime garder pour être sûr que je garde les deux pieds sur terre», précise-t-il en esquissant un sourire.

Si l’enseignement le motive, le jeune architecte caresse également l’idée de concevoir des écoles primaires. «Ce sont les grandes oubliées de l’architecture au Québec», note-t-il en gribouillant un bout de papier. À ses yeux, les processus d’octroi de contrats devraient changer pour permettre de créer des écoles au design original et pratico-pratique.

Crédit photo: Gabrielle Lauzier

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