Jouer le ministre

Après avoir campé de nombreux personnages au grand écran, Maka Kotto incarne maintenant le rôle de ministre de la culture et des communications pour le gouvernement Marois. Le québécois d’origine africaine espère livrer la performance de sa vie.

La neige vient se poser délicatement sur les grandes fenêtres du bureau du ministre de la Culture et des Communications, Maka Kotto. Assis confortablement dans un grand fauteuil jaune, il a laissé de côté ses dossiers, éparpillés sur sa table de travail. Si l’air est froid pour un vendredi d’avril, la voix grave et posée du politicien réchauffe la pièce. Premier immigrant d’origine africaine à accéder à un poste de ministre au Québec, Maka Kotto s’efforce de construire chaque jour une image de politicien fidèle à ses racines étrangères et à son passé d’artiste.

C’est durant son adolescence au Cameroun que Maka Kotto a eu la piqûre de la politique. Il fréquente alors un pensionnat de jésuites. «Avec un petit groupe, on a décidé distribuer des tracts clandestinement pour dénoncer le despotisme en place», confie-t-il fièrement. Il quitte sa terre natale quelques années plus tard pour y suivre des cours de droit et de sciences politiques. Diplôme en poche, il s’inscrit ensuite à des cours d’art dramatique et de cinéma. Il fonde sa propre troupe de théâtre et réalise plusieurs pièces engagées. «J’ai défendu la diversité dans le paysage audiovisuel français», se souvient-il, vaporeux. En 1989, invité par l’écrivain Dany Laferrière à jouer dans l’adaptation cinématographique de son roman Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, il foule pour la première fois le sol québécois. «C’est le facteur humain qui m’a frappé ici. Les Québécois sont chaleureux, ouverts, humbles et généreux. Ça m’a séduit et convaincu de rester et de m’engager politiquement ici», explique-t-il avec ferveur. Selon lui, ses «influences culturelles triptyques» jouent en sa faveur dans son quotidien d’homme politique. «On me dit souvent que j’ai une écoute et un regard original sur les choses. J’ai des façons de faire qui ne sont pas toujours classiques.»

Déformation professionnelle

«Maka Kotto, c’est un grand amoureux des mots et de la langue française. Il n’hésite pas à donner sa signature en fignolant ses discours», témoigne son attaché de presse, Marc-André de Blois, rappelant le passé artistique de son patron. Le principal intéressé est d’avis que son bagage d’ancien comédien laisse effectivement sa marque sur son travail de ministre. «Sur scène, il faut écouter son partenaire pour que le message passe dans la salle. En politique c’est pareil», souligne-t-il. Cette force d’écoute et de compré- hension des artistes lui permet d’avancer intelligemment dans ses projets, selon Marc-André de Blois. «Il prend vraiment le temps de connaître un enjeu avant de donner sa position.» L’ancienne ministre de la Culture, Christine Saint-Pierre, considère pour sa part que cette qualité peut très vite devenir un défaut. «C’est un homme qui a bon cœur et le contact facile, admet-elle. Mais je pense qu’il n’est pas capable de sortir ses ongles devant le président du Conseil du trésor pour défendre ses dossiers.»

Depuis les élections du 4 septembre dernier, Maka Kotto tente de s’approprier au mieux son nouveau rôle de ministre de la Culture et des Communications. Il estime que le choix de la première ministre, Pauline Marois, de nommer un immigrant pour mener de tels dossiers était calculé. «C’est le ministère qui incarne le plus l’identité québécoise. La fonction vient avec beaucoup de responsabilités. J’ai un devoir de résultats», reconnaît-il.

Un emploi du temps… de ministre

Alliant ses deux passions pour la culture et la politique, Maka Kotto se plait dans ses nouvelles fonctions. Très actif sur le terrain, il fait plusieurs sorties publiques par semaine. Du théâtre au musée, en passant par différents événements culturels, les temps libres se font rares. «Je lis aussi, mais vous savez quoi? Des dossiers! s’esclaffe-t-il. Avant j’étais un boulimique de lecture. Je ne sortais jamais d’une librairie sans avoir acheté en bas de 800 $ de livres. Ça me manque beaucoup.»

Son agenda est bien rempli. Son gouvernement vise le déficit zéro et, si les finances vont bien, il aimerait pouvoir consacrer une bonne partie de son temps à mettre sur pied des ateliers d’artistes dans les écoles. «Ça ferait en sorte de stimuler davantage les plus jeunes aux arts plastiques et aux arts de la scène.» Il pense que ce projet qui lui tient tant à cœur permettrait de renouveler le public et d’améliorer les conditions de vie et de travail des artistes.

L’homme se lève de son fauteuil jaune, dévoilant sa stature imposante. Il jette un regard par la fenêtre, avant que ses yeux ne se posent sur les dossiers qui l’attendent. S’il souhaite livrer la performance d’une vie, il doit prendre son rôle au sérieux.

Crédit photo: Annabelle Caillou

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