Logement étudiant: sauve qui peut

Trop malpropre, trop cher. Les uqamiens fuient le Quartier latin. L’UQAM peine à les retenir et n’envisage pas de construire de nouvelles résidences.

Mardi midi, coin St-Denis, Maisonneuve. De nombreux jeunes adultes dans la vingtaine déambulent dans les rues. Dans les alentours, les restaurants sont bondés et les commerces font des affaires d’or. Véritable campus pour les étudiants uqamiens, le quartier latin déborde de vie durant les journées de semaine. Le soir venu, les étudiants retournent dans leur quartier et le campus se vide. Les uqamiens sont de moins en moins nombreux à vivre aux alentours de leur université. Les prix exorbitants des logements et la malpropreté du quartier sont des freins à l’établissement d’une vie étudiante. De son côté, l’UQAM n’a pas l’intention de construire davantage de résidences.

Les logements de l’arrondissement Ville-Marie ne sont généralement pas de grande qualité. «Ici, ce n’est vraiment pas la panacée, car ce sont de vieux appartements mal entretenus dans des édifices qui datent du 19e siècle. Ils coûtent trop cher à rénover, alors les propriétaires les laissent aller», observe Laurent Levesque, instigateur du projet de coopérative d’habitation étudiante UTILE.

Ces logements ne sont pas non plus à la portée de toutes les bourses. Laurent Levesque constate que les coûts élevés freinent la rétention des étudiants sur le campus de l’Université du peuple. «Même en tenant compte de l’inflation, les loyers ont augmenté de 50% en 10 ans», souligne-t-il.

Pour Ünsal Özdilek, professeur en immobilier à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, les étudiants ont de la difficulté à s’approprier le quartier de leur université étant donné le contexte dans lequel il se situe. «D’un côté il y a les HLM, de l’autre le Village gai, en bas l’autoroute et l’hôpital. Ils n’ont rien en commun avec ces gens-là», mentionne-t-il. Pour remédier à ce problème de logement étudiant, le professeur suggère de relocaliser les résidents des habitations Jeanne-Mance, pour les transformer en résidences étudiantes pour l’UQAM. Une idée que Manon Massé, ex-candidate de Québec solidaire très impliquée dans le dossier du logement social, rejette du revers de la main. «Cette idée-là ne tient pas la route, avance-t-elle. Ça enlève une mixité au Quartier latin et en plus, ça ne fait que déplacer le problème.» Selon elle, le gouvernement n’a pas construit des HLM depuis 15 ans, alors elle se demande où logeraient les gens déplacés par un tel projet.

Les résidences étudiantes de l’UQAM, au pavillon centre-ville et près de la Place des Arts, affichent actuellement complet. Le directeur de ces logements, Karim Khelfaoui, évalue qu’il a dû refuser une centaine d’étudiants, cette année, faute de place. Même s’il ne semble pas s’inquiéter de ce nombre, Manon Massé demeure préoccupée par le manque d’accessibilité du logement étudiant. «Ça, c’est 100 personnes qui étaient capables de payer 500 $ par mois qui ont été refusées, mais beaucoup ne sont même pas capables de payer cela. Ça fait donc beaucoup de jeunes dans le besoin», plaide-t-elle.

L’UQAM estime déjà faire sa part en terme de logement étudiant. Le Plan directeur immobilier doit cependant répondre à des impératifs académiques en priorité, selon la directrice des relations de presse de l’UQAM, Jenny Desrochers. «Nous n’avons pas de budget pour construire de nouvelles résidences. Il faut aussi voir les besoins et actuellement nous sommes en déficit de salles de classe», mentionne-t-elle. Elle précise toutefois que le Service à la vie étudiante offre des listes de logements disponibles pour les étudiants qui n’auraient pas trouvé de place aux résidences de l’UQAM.

Une alternative durable

Pour les instigateurs du projet UTILE, la solution à ce manque de logement abordable passe par l’instauration d’une coopérative d’habitation. «Ce sera moins cher que les résidences actuelles, en plus d’être différent et très participatif pour ceux qui y habiteront», mentionne Laurent Levesque, qui a eu l’idée du projet avec quelques collègues du programme d’urbanisme de l’UQAM.

Manon Massé y voit là une excellente façon de redorer le blason de cet édifice associé aux déboires financiers de l’UQAM, tout en lui donnant une vocation nouvelle. «Avec la nouvelle École de santé publique reliée au futur CHUM, il y aura de plus en plus d’étudiants dans cette partie de la ville.» L’UQAM reste toutefois évasive quant à la pertinence de ce projet.

Ce genre d’initiative trouve aussi écho auprès de la communauté universitaire. Pour Ünsal Özdilek, professeur en immobilier à l’ESG, la  formule «coop» demeure très intéressante à cause de ses avantages qu’elle aura à l’avenir. «Cet investissement en éducation va profiter à toute la société, mentionne-t-il. Ce genre de projet fait perdurer la mission d’accessibilité de l’UQAM.»

Selon lui, les promoteurs immobiliers ne construiront jamais de logements abordables pour étudiants, car ce ne serait pas rentable pour eux. Il faut donc l’appui des gouvernements pour aller de l’avant avec un tel projet. D’ici là, les étudiants continueront à aller et venir dans le Quartier latin.

 

 

 

 

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Illustration : Gabriel Germain

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