Étouffer le mirage

L’ordre mondial part-il en fumée? Pour certains théoriciens, il semble écrit dans le ciel que l’atmosphère soit dominée par des traînées d’avion toxiques: les chemtrails. Un constat qui boucane dans la tête de plusieurs.

Des machines volantes créatrices de nuages. Fabulation infantile, les cirrus qui sortent des réacteurs d’avion ne s’avéreraient pas aussi édéniques qu’ils en ont l’air. Il n’est plus question des dangers encourus par l’envoi de simples jets de fixatif ou de chasse-moustique dans l’air, mais de pulvérisation d’aérosols à grande échelle. Ce que certains nomment des contrails – des traînées de condensation – pourraient plutôt être des chemtrails.

Les gaz d’échappement des avions seraient emplis de produits chimiques hautement nocifs pour la santé humaine et l’environnement, selon autant de citoyens que de spécialistes chevronnés. Ils ont remarqué une augmentation de la fréquence et de la durée des sillons blanchâtres dans le ciel. C’est cependant le mur de silence gouvernemental qui ravive les préoccupations.

Les tracés chimiques seraient essentiellement composés de baryum et d’aluminium selon les théoriciens. Balancés dans les airs, ces produits toxiques acidifieraient l’eau et les sols, mais ralentiraient le réchauffement planétaire en raison d’un obscurcissement global empêchant les rayons UV de pénétrer à la surface de la Terre. Une étude réalisée par le chercheur de l’Université du Wisconsin, David Travis, a d’ailleurs démontré que la température était inférieure lorsqu’il y avait des contrails dans le ciel. Une conclusion scientifiquement impossible selon la présidente de l’Institut international pour la santé publique, Rosalie Bertell.

«Ces produits dispersés dans les airs entraînent des troubles respiratoires, maux de tête, vertige, problèmes de peau et allergies», attestait Nikos Katsaros, directeur de recherche au Centre National des Sciences physiques Demokritos à Athènes et représentant national du Comité scientifique de L’OTAN dans le documentaire Bye bye blue sky réalisé par Patrick Pasin.

Gordon Earle, député du Nouveau Parti démocratique et critique en matière de Défense, faisait part le 18 novembre 1999 de ses inquiétudes au gouvernement du Canada, à la suite d’une pétition signée par 500 résidents de la région d’Espanola, en Ontario. Ils se souciaient de la grande présence d’aluminium et de quartz retrouvés dans des échantillons d’eau de pluie et se questionnaient sur la possible participation du gouvernement dans la dispersion d’aérosols visibles. «Ces faits combinés aux problèmes d’insuffisance respiratoire ont conduit ces Canadiens à agir et à demander au gouvernement des réponses claires», stipulait la pétition. Ils demandaient donc au Parlement de supprimer toute législation permettant l’émission délibérée de substances dans le ciel sans l’accord des citoyens canadiens.

Montréal Campus a tenté d’obtenir des explications du ministère de la Sécurité publique et d’Environnement Canada, mais tous disent ignorer le phénomène. Seul Transport Canada a admis connaître le phénomène des contrails, mais ignore tout ce qui est relatif aux chemtrails.
Le Dr Rosalie Bertell est persuadée que certains représentants du gouvernement et scientifiques sont au courant, mais préfèrent garder la situation secrète pour préserver la sécurité nationale. «Les perturbations des forces naturelles de la planète ne devraient pas être voilées. La sécurité nationale est devenue source d’insécurité majeure à l’heure où le système planétaire est trafiqué», juge-t-elle. Fervente défenderesse de la lutte «anti-chemtrails», elle dénonce le manque de courage des scientifiques qui cachent l’information. «Les contrails sont perçus normalement que quelques secondes ou minutes alors que les chemtrails, eux, sont présents pendant des heures et peuvent s’étendre sur plusieurs mètres», précise la présidente de l’Institut international pour la santé publique.

Les pieds sur terre
La théorie, quoiqu’appuyée par certains scientifiques indépendants, est néanmoins démentie par plusieurs spécialistes de l’aviation. «Lorsqu’il y a combustion, il y a toujours de la vapeur d’eau qui s’en dégage. Les nuages qu’on aperçoit sont donc le résultat de la condensation d’un amas de molécules d’eau qui se cristallise au contact du froid en haute altitude», explique le professeur au certificat en ingénierie aéronautique à la Polytechnique, Patrick Ladouceur. Il attribue d’ailleurs la dispersion des particules condensées à la force des vents. «Il n’y a pas d’avion responsable spécifiquement de ces nuages. Tous les avions laissent échapper des gaz, mais leur persistance et élargissement dans le ciel dépendent toujours des conditions atmosphériques», soutient le spécialiste des moteurs d’avion. Transport Canada ajoute que les turbulences créées par le passage d’autres aéronefs et la différence de vitesse des vents le long de la trajectoire du vol jouent également un rôle.

Il reconnaît cependant que certains produits chimiques comme le monoxyde de carbone et l’aluminium peuvent s’échapper en petite quantité si la combustion est moins bonne.
«Les particules de glace dans les contrails n’atteignent jamais la surface de la Terre parce qu’elles tombent lentement et que les conditions en basse atmosphère font qu’elles s’évaporent», assure la porte-parole de Transport Canada, Maryse Durette, en précisant qu’ils ne présentent aucun risque pour la santé. Ces contrails seraient, d’ailleurs, visibles que par temps clair et ensoleillé.

«On ne peut pas expliquer le phénomène seulement par la combustion du kérosène des avions, la température et l’humidité de l’air. Ces contrails ne peuvent durer longtemps d’un point de vue scientifique», expliquait toutefois le professeur d’aviation et d’ingénierie aérospatiale à l’Université de technologie de Delft (Pays-Bas), le Dr Coen Vermeeren, dans le documentaire de Patrick Pasin.

Quoi qu’il en soit, plusieurs démentent les théories conspirationnistes et s’indignent du climat de peur dans lequel certains plongent la population mondiale. Les hypothèses affluent sur le web. Il devient donc difficile de se fonder un point de vue clair. « Il y a plus d’une raison pour laquelle certains nient la théorie, prétend le spécialiste des chemtrails, Andrew Johnson. Après tout, pourquoi voudraient-ils s’asperger, eux-mêmes ainsi que leur famille, de produits toxiques?»

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Théorie singulière
Certains estiment que l’émanation blanchâtre est un humanicide visant à réduire de manière discrète et efficace les problèmes liés à la surpopulation. Les dirigeants mondiaux et l’armée de l’air transformeraient donc délibérément la planète en une énorme chambre à gaz.

L’aluminium sauvera-t-il la planète?
La géo-ingénierie est sérieusement envisagée par le milieu scientifique à l’heure actuelle. Celle-ci suggère l’envoi de particules de soufre et d’aluminium dans la stratosphère pour refroidir la Terre. Selon le professeur au département de l’écologie globale à la Carnegie Institution of Washington, Ken Caldeira, il s’agit de la seule façon de vaincre les impacts des changements climatiques. «Les scientifiques considèrent les effets secondaires sur la santé humaine et environnementale acceptables. Ces risques semblent valoir la peine», affirmait-il lors d’une consultation de géo-ingénierie du Commonwealth club en 2010.

Illustration par Dominique Morin

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