« Je crois que c’est pour changer l’image du SPVM que le profil a été créé », avance Alison Penazzo, policière au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Ayant des souches italiennes, elle a fait l’attestation d’études collégiales (AEC) dans le programme de Diversité policière et profil social durant l’année scolaire 2023-2024.
« Le programme AEC va sans doute inciter plus de personnes comme moi, qui sont issues d’une minorité visible, à intégrer la police », mentionne Maria Parenteau Mauffette, étudiante en techniques policières au Cégep de l’Outaouais, à Gatineau.
L’étudiante d’origine péruvienne est aussi une descendante des Autochtones d’Amérique du Sud. Elle pense que ce programme est très pertinent, car il contribue à rendre les services policiers moins homogènes. Par exemple, dans sa classe de techniques policières, il n’y a que son amie et elle qui sont nées ailleurs qu’au Québec.
Le SPVM a ajouté, en 2022, un profil social à son programme AEC Diversité policière. Le but est d’attirer tant des personnes autochtones et issues de minorités visibles ou ethniques, que des gens issus du milieu des sciences sociales. Le SPVM souhaite, d’année en année, varier le bagage des membres de son institution.
« Lorsqu’on parle de diversité, on s’intéresse souvent uniquement à la question des personnes racisées et des identités ethnoculturelles, mais il faut penser la diversité au sens plus large »
Massimiliano Mulone, professeur agrégé à l’École de criminologie de l’Université de Montréal
Le but de ce programme est que la police ne soit pas homogène et qu’elle « représente la population montréalaise », c’est-à-dire des gens aux vies et aux profils divers, explique Marie-Claude Fradette, cheffe de division des ressources humaines à la sécurité publique de la Ville de Montréal.
Une problématique qui perdure
Massimiliano Mulone a travaillé pendant sept ans sur des projets de recherche en lien avec le profilage racial au SPVM. Selon lui, « il y a une résistance extrêmement forte au sein de l’organisation qui fait en sorte que toutes les personnes qui veulent changer quelque chose font généralement face à un mur ».
Le professeur se questionne sur la réelle volonté du SPVM de changer et se demande si ce n’est pas juste pour pouvoir augmenter « ses statistiques » en termes de diversité.
Les sciences sociales au cœur du métier
« On pense que la police c’est juste pour attraper les voleurs, mais il faut savoir qu’il y a plus de 100 000 appels par année reliés à la santé mentale », souligne Marie-Claude Fradette.
Selon elle, « plus tu comprends la réalité sociale d’un milieu, mieux tu peux la desservir ».
D’après Massimiliano Mulone, les personnes formées en sciences sociales et en intervention sont très bien outillées pour interagir avec « des gens vulnérables », en plus d’avoir « un bagage qui pourra leur servir dans le métier de policier ».
Maria Parenteau Mauffette met d’ailleurs l’accent sur le fait que « ce sont presque 90 % des interventions des patrouilleurs qui sont axées sur le côté social ».
« La réalité sur le terrain, ce n’est plus de courir après des bandits, c’est de faire des interventions auprès de citoyens. Souvent, les policiers vont être confrontés à la détresse humaine reliée à la santé mentale, à l’itinérance, aux problèmes de toxicomanie ou encore à la violence conjugale », souligne la future policière.
Alison Penazzo trouve qu’il est pertinent d’avoir élargi le programme, parce que, « contrairement aux policiers, les gens qui ont étudié en sciences sociales n’ont pas juste fait un survol des notions [liées aux sciences sociales] », partage-t-elle.
Une voie à tracer
« Je pense que ces personnes arrivent avec un bagage différent, avec une manière particulière de comprendre les problèmes et le métier. Mais, je pense que cette différence n’est une richesse que si on lui permet d’exister au sein de l’organisation », spécifie Massimiliano Mulone.
« Puisque la plupart des gens dans ma classe étaient issus de minorités visibles, les cours étaient vraiment axés sur leur expérience », explique Alison Penazzo. Elle met l’accent sur le fait que le programme AEC était très humain, il y avait une grande forme d’écoute et de partage lors de la formation.
Dans les cours de Maria Parenteau Mauffette, la réalité est différente, car, bien qu’il y ait des débats sur des enjeux raciaux et sociaux, « les conférences données par des policiers autochtones ou issus de minorités visibles ne sont pas obligatoires ». Selon elle, il y a encore du chemin à faire pour rendre la formation policière plus inclusive.
« J’ai l’impression que ce programme [AEC] va énormément faire avancer les choses, mais, malheureusement, dans les rangs de la police, comme dans le monde, il y aura toujours des gens racistes », déplore Maria.
Elle croit que, tant que le racisme systémique existera au sein de la société, il y aura du profilage racial au sein des institutions policières.
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