Boissons non alcooliséesFaire la fête, sans gueule de bois

Des vins désalcoolisés aux bières et cocktails sans alcool, les tablettes regorgent de choix de boissons à 0,5 % et moins. Bien que ces consommations gagnent en popularité, les coûts de production des boissons sans alcool sont considérables.

« Aujourd’hui, ce n’est plus vraiment cool de se mettre complètement saoul lors d’une fête », déclare Jean-Philip Paradis, copropriétaire et président de Spiritueux Statera, une entreprise québécoise qui se spécialise dans la conception de spiritueux et de prêts-à-boire sans alcool.

Hanaa Jihad, étudiante au Collège Lionel-Groulx, ne peut pas consommer de l’alcool en tant que musulmane. Elle se réjouit que des options s’offrent à elle pour lui permettre d’être « comme les autres ».

L’étudiante qui boit des cocktails sans alcool critique toutefois le prix de ceux-ci, qu’elle juge « trop chers ».

« Par exemple, le mocktail que j’aime beaucoup boire au restaurant Shaker coûte 8$ plus taxes et il est rempli de glaçons »

Hanaa Jihad

« Par exemple, le mocktail que j’aime beaucoup boire au restaurant Shaker coûte 8$ plus taxes et il est rempli de glaçons », se désole Hanaa. « Je ne veux pas payer ce prix pour un mélange de jus avec de l’eau », ajoute-t-elle.

L’argent au cœur du sujet 

« Ce n’est pas tellement l’alcool qui coûte cher, c’est surtout la production et la mise en canette », souligne Jean-Philip Paradis.

« [Chez Statera,] on est dans une catégorie un peu plus haut de gamme sur le marché, parce qu’on s’assure d’aller chercher du vrai jus, par exemple du vrai jus de lime et des ingrédients de qualité », explique-t-il.

« C’est vraiment comme faire un cocktail », renchérit M. Paradis. Le fait que les cocktails sans alcool et les spiritueux de la compagnie soient concoctés de manière artisanale augmente leur prix.

Le copropriétaire de Statera dit réussir à faire vivre une « expérience gustative » aux consommateurs et aux consommatrices, et ce, même s’il n’y a pas d’alcool dans ses produits.

Éric Grypinich, chargé de projet à l’Association des microbrasseries du Québec, soutient que pour faire une bière sans alcool, « ce qui est coûteux, c’est le processus de désalcoolisation, qui permet de retirer une grande concentration d’alcool, mais de garder un goût qui se rapproche de celui de la bière ».

La machine pour faire de la bière 0,5 % et moins peut coûter entre 60 000 $ et 400 000 $, selon l’ampleur de la production de la microbrasserie, ajoute M. Grypinich. C’est donc un investissement considérable. Ce n’est pas toutes les microbrasseries qui peuvent se le permettre, poursuit-il.

Le zéro a la cote

« Les gens ne font plus rire d’eux [quand ils prennent un mocktail], parce que c’est rendu la norme de faire attention à sa consommation d’alcool », constate Jean-Philip Paradis.

« Maintenant, les gens sont exposés au sans alcool dans les épiceries, ils n’ont pas à se battre pour en trouver, ça leur saute aux yeux », remarque Éric Grypinich.

Aujourd’hui, les jeunes sont de plus en plus conscientisés aux dangers de l’alcool, reconnaît M. Grypinich. « C’est plus facile de convaincre les jeunes de boire du sans alcool que de convaincre les adultes qui ont bu des boissons alcoolisées toute leur vie », soulève-t-il.

M. Paradis explique, pour sa part, que le changement de mentalités quant aux habitudes de consommation et le fait que plusieurs personnalités prennent ouvertement la parole pour dire qu’elles ne boivent pas, contribuent à démocratiser la sobriété.

« Trois mois sur douze, soit le quart de l’année, la sobriété est encouragée », raconte M. Paradis. Il fait référence aux défis Dry January, Février sans alcool et Sober October.

D’ailleurs, M. Grypinich dit que février est le mois le plus important pour la vente de sans alcool dans les microbrasseries québécoises.

Le sans alcool, l’avenir?

Hanaa Jihad croit que le marché des boissons sans alcool ne réussira jamais à surpasser celui des cocktails alcoolisés, parce que « c’est difficile pour une compagnie qui vend des produits qui ne créent pas de dépendance de surpasser une entreprise qui en crée », suppose-t-elle. L’alcool, comme le sucre et la nicotine, rend accro, ajoute Hanaa.

« Si, dans les séries sur Netflix, les gens arrêtaient de prendre toujours de l’alcool et prenaient parfois des mocktails, ça aiderait à normaliser le fait de ne pas boire », avance l’étudiante.

Elle remarque également une omniprésence de publicités d’alcool et très peu de publicités de boissons à 0 %.

Le copropriétaire de Statera, Jean-Philip Paradis, mentionne, quant à lui, qu’il ne serait pas surprenant qu’un jour, les entreprises de boissons alcoolisées ne puissent plus commanditer le Super Bowl, car au même titre que la cigarette, l’alcool tue.

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