Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 mars 2023.
Voguant sur la mode de la seconde main, des dizaines de commerces vendant des vêtements rétros et usagés ont ouvert leurs portes à Montréal. La gamme de prix de ces entreprises, dont le Marché Floh, s’éloigne pourtant des coûts modiques proposés par la plupart des friperies.
Alors que des commerces comme Renaissance, Village des Valeurs ou encore L’Armée du Salut fonctionnent grâce à des dons, des magasins de seconde main montréalais tels que Lazy, Cul-de-sac et le Marché Floh s’approvisionnent à l’aide d’achats à des particuliers ou à des centres privés de tri de vêtements.
« Au Village des Valeurs ou au Renaissance, ils ne font pas de sélection », témoigne Léa Cope, gérante adjointe de la friperie Lazy dans Hochelaga. « Il faut vraiment que tu fouilles pour trouver ce que tu veux, alors qu’ici, on fait déjà ta sélection, et on met les plus beaux morceaux en magasin. »
Dans des friperies comme Renaissance, les pantalons se vendent généralement autour de 10 $ par pièce. Au Marché Floh, situé sur la rue Saint-Denis, il n’est pas rare de trouver le même type de vêtement pour plus d’une cinquantaine de dollars.
Trouver la perle rare
La différence de prix notable entre ces différents types de commerces s’explique surtout par le travail effectué derrière chaque pièce mise sur le plancher, établit Florent Montpetit, un étudiant en sciences humaines au Collège de Maisonneuve possédant une entreprise de revente de vêtements en ligne.
« Ça ne se trouve pas facilement tous ces beaux vêtements, ce sont des heures et des heures de recherche, partage l’étudiant. Quand on achète des vêtements en grande quantité, il faut penser à tous les trier, les laver, les déplacer. C’est plusieurs frais que tu dois additionner, les vendeurs ne mettent pas tout cet argent dans leurs poches. »
Économique et écologique
L’industrie de la mode représente l’un des secteurs les plus polluants du globe : par exemple, environ 10 000 litres d’eau sont utilisés pour fabriquer une paire de jeans.
Pour Léa Cope, la mode de seconde main apparaît comme une option intéressante sur le plan environnemental. « J’ai vu à quel point [les magasins de première main] jetaient beaucoup de vêtements quand ce n’était pas vendu, confie la gérante adjointe du Lazy, qui a déjà travaillé pour des entreprises de fast fashion. Depuis que [je suis au Lazy], je remarque la différence, à quel point on donne une deuxième vie aux vêtements », poursuit-elle.
La récente poussée inflationniste a obligé de nombreuses personnes à revoir leur manière de consommer. « Si le pouvoir d’achat de la population est plus faible, au lieu d’aller dans des magasins de première main, [celle-ci va] peut-être essayer de se tourner vers d’autres alternatives, [vers un] type seconde main qui va [revenir] moins cher et parfois pour une aussi bonne qualité », explique Marie-Louise Leroux, professeure au Département des sciences économiques de l’Université du Québec à Montréal. « Il y a une volonté de préserver l’environnement, et cette volonté passe par consommer moins, donc consommer mieux. Les friperies ont là un marché à aller chercher », ajoute-t-elle.
Entre 2021 et 2026, le chiffre d’affaires mondial de la mode seconde main devrait bondir de 127 %, une augmentation trois fois plus élevée que le secteur de la mode standard. C’est ce que rapportait une étude publiée en 2022 par la compagnie américaine thredUP, une plateforme en ligne permettant de vendre ou d’acheter des vêtements seconde main.
Là pour rester
Malgré les prix dans certaines friperies jugés inabordables par des personnes moins fortunées, ce choix entrepreneurial reste éthique, défend Florent Montpetit.
« [Certaines friperies] vendent par exemple un crew neck à 50 $. Beaucoup de personnes ont le moyen de l’acheter, se disant “j’aime mieux mettre 50 $ sur un vêtement vintage, de bonne qualité, je sais qu’il va durer encore” à la place d’acheter un truc à 50 $ chez H&M, de mauvaise qualité et qui pollue », expose-t-il.
L’engouement pour les magasins proposant des vêtements rétros tient entre autres du désir de posséder une pièce unique en son genre, d’après Léa Cope.
« Vu que ce ne sont plus des collections produites encore aujourd’hui, tu n’auras sûrement pas le même vêtement que quelqu’un d’autre en allant dans un magasin vintage », partage-t-elle.
La popularité des friperies sera un phénomène durable, prédit la gérante adjointe du Lazy. « Je ne pense pas nécessairement que ce soit une mode, bien que ça commence juste à exploser, estime Léa. C’est le début de quelque chose qui va rester », conclut-elle.
Mention photo : Lucie Parmentier | Montréal Campus
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