Sous le charme de la lecture romantique

Les romances, boudées dans le monde littéraire, font voyager leur lectorat et brisent les tabous. Ce type de littérature qui engendre à la fois gêne et curiosité gagne en popularité au Québec, selon plusieurs autrices.

Le 18 février dernier avait lieu la troisième édition du Festival Romance Québec, une rencontre inédite pour les amateurs et amatrices de ce genre littéraire. Si certaines personnes arrivent au festival avec une image stéréotypée de ces histoires d’amour, plusieurs « repartent impressionnés par la palette colorée [qu’offre] la romance », indique une des organisatrices de l’événement, Vickie Poulin. 

La diversité de genres littéraires n’est pas manquante sur les tables montées pour l’événement. Des romans « policiers, dark, fantastiques et historiques », tous entremêlés d’histoires romantiques, sont étalés à la vue de tous et toutes, expose Mme Poulin.

On retrouve toutefois des livres romantiques dits plus « classiques », comme ceux d’Angel Trudel, autrice de romances depuis 2018. Ses livres « heureux où l’on rêve d’amour », teintés d’érotisme, sont loin de plaire aux grands et grandes littéraires de ce monde, souligne l’écrivaine. « Ce n’est pas parce que l’histoire est basée sur l’amour qu’elle n’a pas de valeur », rétorque-t-elle.

En marge du monde littéraire

Considérée comme de la paralittérature, la romance attire du mépris, surtout dans le monde universitaire. Ce terme englobe plusieurs genres littéraires considérés comme non « estimables », explique Marc Angenot, professeur émérite à McGill au Département des littératures de langue française, de traduction et de création.

Les romans policiers, d’aventure, les romances et les bandes dessinées ne rentrent donc pas dans le cadre de la littérature canonique, soit des écrits résultant d’une longue démarche artistique. Le professeur mentionne cependant que le mot paralittérature est délaissé de nos jours. 

« Dans le Québec d’aujourd’hui, plus personne ne lit de la littérature [canonique] ou, du moins, c’est une minorité », indique-t-il. M. Angenot estime que la conception de ce qui est légitime dans notre culture a beaucoup évolué. Selon lui, « la télévision, les médias, les réseaux sociaux et l’Internet » ont modifié ce que la société considère comme de la littérature.

Intrigué par ce genre marginalisé, mais très vendu, le professeur soulève son importance : « il y a des choses que dit la paralittérature avec une certaine perspicacité que la littérature canonique ne dit pas. Autrement dit, si elle n’était que médiocre ou, comme certains disaient autrefois, aliénante, elle ne serait intéressante pour personne ».

S’évader sans contrainte

Étudiante à l’Université de Montréal en design intérieur, Marjorie Blais voit les livres de romance comme une porte de sortie à sa routine et à son train de vie. « Étant aux études, [je] fais beaucoup de lecture [pour mes travaux] et ce que j’aime, c’est que la romance me permet de sortir de mon quotidien ». La jeune lectrice apprécie la simplicité et la légèreté de ces histoires d’amour qui viennent contraster avec ses autres lectures traditionnelles.

Si Marjorie Blais lit de temps à autre ce genre littéraire, elle ne s’empresse pas de le crier sur tous les toits. « J’aime mieux dire que je lis des fictions que dire : “oui, je lis des romances” » , affirme-t-elle derrière un sourire gêné.

Briser des tabous 

L’autrice Angel Trudel mentionne que ses romans ont permis à certaines personnes ayant entre 35 et 50 ans de se « reconnecter à leur sexualité ». Elle veut aussi renforcer l’idée que les passages sensuels servent non seulement à faire frémir notre imagination, mais aussi « à faire avancer l’histoire ».

Elle remarque une certaine amélioration et une acceptation de la romance. L’écrivaine donne 50 nuances de gris, publié en 2011, comme exemple d’œuvre qui a permis de normaliser l’érotisme et la romance.

Autrice et éditrice, Geneviève Boucher souhaite également briser les tabous liés à la romance. « Je pense que, tranquillement, les gens commencent à voir la romance différemment et plusieurs auteures comme moi travaillent fort pour [changer cette image préconçue] ».

L’un des derniers livres de l’autrice se plonge dans une romance homosexuelle pour toucher un plus grand lectorat et défaire la représentation classique des histoires d’amour. Elle a aussi participé au recueil de nouvelles Nuances, publié en janvier 2023, qui cherche à montrer les nombreuses facettes de la romance et à faire tomber des tabous.

Mention photo : Lucie Parmentier | Montréal Campus

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