Plusieurs associations étudiantes de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) se mobiliseront le 22 mars prochain pour revendiquer la gratuité scolaire, dix ans après le Printemps érable. Elles renouent aussi avec le carré rouge comme symbole de cette mobilisation.
Une douzaine d’associations de diverses institutions sont impliquées dans l’organisation de la grève du 22 mars prochain, ce qui représente environ 30 000 membres. « Ce qu’on essaie de porter, c’est avant tout un projet de société pour construire une société plus égalitaire », déclare Vice Benoit, responsable de la vice-coordination de l’Association étudiante de l’unité de programme d’action culturelle (AEUPAC) à l’UQAM.
Malgré l’indexation des frais de scolarité en 2012, ces derniers n’ont pas cessé d’augmenter de la même façon que le coût de la vie. Les salaires de la communauté étudiante et les montants des prêts et des bourses n’ont toutefois pas suivi, selon Jade Trudelle, chargée aux affaires politiques de l’Association facultaire étudiante de langues et de communications (AFELC). « Croire qu’on peut vivre avec un salaire de 12 000 $ par année en payant plus de 4000 $ de frais de scolarité à Montréal, avec la hausse des coûts de loyer et de l’épicerie, dans quel monde est-ce que c’est possible? », lance-t-elle.
Selon le site internet du mouvement pour la gratuité scolaire, 87 % des sources de revenus des universités provenaient du gouvernement en 1987, tandis que les frais de scolarité des étudiants et étudiantes équivalaient à 5,4 % de celles-ci. Le 7,5 % restant était financé par le privé.
En 2019, l’État finançait 65,4 % de ces coûts. La proportion à payer par les étudiants et les étudiantes s’élevait à 17,8 %. « C’est quand même énorme, s’exclame Jade Trudelle. Ce n’est plus vrai de dire que l’on ne paye pas notre éducation et que le gouvernement nous fait un cadeau. »
Un clin d’œil au Printemps érable
Le 22 mars prochain, dix ans jour pour jour après la grande manifestation étudiante contre la hausse des frais de scolarité qui avait réuni plus de 100 000 personnes, les associations étudiantes ont pris la décision quasi unanime d’utiliser à nouveau le carré rouge. « C’est un symbole fort que les gens reconnaissent, on a un attachement et une nostalgie reliés à ce fameux carré rouge », souligne la chargée aux affaires politiques de l’AFELC.
Pour les deux porte-paroles qui représentent les associations étudiantes de l’UQAM dans le mouvement pour la gratuité scolaire, cela signifie aussi que la nouvelle génération poursuivra la lutte qui battait son plein il y a dix ans. « Sans [les grèves étudiantes de 2012], les frais de scolarité seraient rendus beaucoup plus élevés. En 2017, les frais étaient de 2328 $, mais auraient été de 3793 $ s’il n’y avait pas eu les manifestations », relate Vice Benoit.
Les revendications actuelles diffèrent toutefois de celles du Printemps érable, un mouvement né pour contrer la hausse des frais de scolarité prévue par le gouvernement de Jean Charest. La nouvelle génération d’étudiants et d’étudiantes est animée par l’idée de faire naître un courant visant à éliminer complètement ces frais. Elle cherche à dénoncer la marchandisation de l’éducation, soit la mise en concurrence des établissements d’enseignement supérieur et le fait que les étudiants et les étudiantes sont considéré(e)s par les universités comme une clientèle magasinant une formation.
La communauté étudiante réceptive
Le mouvement commence à attirer l’attention de la communauté étudiante, notamment grâce à la distribution de prospectus et de carrés rouges mardi dernier, et par le biais d’affiches installées dans les couloirs de l’UQAM.
La plupart des étudiants et des étudiantes de l’UQAM sondé(e)s par le Montréal Campus se sentent interpellé(e)s par ce projet de grève. Marie-Pier, une étudiante en travail social, participera à l’événement du mois prochain. « Ça devrait être universel que tout le monde puisse s’éduquer. Si le gouvernement est de notre bord, je pense que ça aiderait à avoir un plaisir dans ses études et à ne pas les choisir de façon stratégique », croit-elle.
Si la plupart sont en faveur de la gratuité scolaire, certains et certaines trouvent que d’autres enjeux prévalent. « Je serai plus portée à manifester pour la justice climatique ou pour demander le retour des assurances [collectives] pour protéger les étudiant(e)s », partage Catherine, une étudiante du baccalauréat en relations internationales et droit international.
Horaire chargé pour les semaines à venir
Les associations étudiantes de l’UQAM se mobilisent d’ailleurs sur d’autres enjeux que la gratuité scolaire, dont l’environnement, la perte des assurances collectives pour la communauté étudiante, mais aussi la rémunération des stages. Des assemblées générales de grèves seront tenues sur ces différentes luttes au cours des prochaines semaines.
L’Association facultaire étudiante des sciences humaines de l’UQAM (AFESH), l’Association étudiante du secteur des sciences de l’UQAM (AESS) et l’Association facultaire étudiante de langues et communication (AFELC) se prononceront le 9 mars prochain. L’Association facultaire étudiante des arts (AFÉA) le fera le 15 mars, et l’Association facultaire étudiante de science politique et droit de l’UQAM (AFESPED) l’a fait le 23 février, adoptant la proposition d’une journée de grève le 22 mars prochain à l’unanimité.
L’Association étudiante de l’École des sciences de la gestion (AéESG) a annoncé par courriel au Montréal Campus qu’elle ne soutenait pas le mouvement, tandis que l’Association des étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM (ADEESE) ne savait pas encore au moment où ces lignes étaient écrites.
Une première grève pour en inspirer d’autres
« On espère que le 22 mars va avoir un effet boule de neige et qu’on va voir d’autres manifestations après, d’autres grèves, d’autres mouvements. On veut inspirer les esprits avec cette manifestation », raconte Jade Trudelle.
Vice Benoit souhaiterait quant à lui voir participer de nombreuses associations étudiantes à travers le Québec, et même des membres de la communauté étudiante qui ne sont habituellement pas impliqués dans des réseaux militants. « On espère que beaucoup de monde va se joindre à nous et que ça va continuer jusqu’à ce qu’enfin on soit entendus », dit-il.
D’autres établissements d’enseignement supérieur font partie de l’organisation du mouvement, dont l’Université du Québec à Rimouski, le Regroupement étudiant de maîtrise, diplôme et doctorat de l’Université de Sherbrooke (REMDUS), l’Association étudiante en anthropologie de l’Université de Montréal (AÉAUM) et les cégeps du Vieux-Montréal, de Sainte-Foy, de Sherbrooke, de Bois-de-Boulogne et de Saint-Jérôme.
Une illustration d’Augustin de Baudinière | Montréal Campus
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