Gala Québec Cinéma doit réviser son scénario

Le Gala Québec Cinéma honore chaque année l’excellence du cinéma de la province par la remise des prix Iris. 23 ans après la création de la cérémonie, plusieurs se questionnent sur la pertinence de sa diffusion télévisée, affectée par une perte marquée de téléspectateurs et de téléspectatrices.

Entre 2018 et 2020, les cotes d’écoute ont oscillé entre 600 000 et 755 000. En 2021, seules 488 000 personnes étaient au rendez-vous. La diffusion simultanée d’un match de quart de finale des Canadiens de Montréal y est peut-être pour quelque chose, selon le critique de cinéma François Lévesque.

« Je n’ai jamais écouté [le Gala Québec Cinéma]. Je ne sais même pas c’est sur quelle chaîne », avoue l’étudiant au programme de cinéma de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Manuel Piron. Néanmoins, il scrute chaque année la liste des nominations et des lauréats et des lauréates à la recherche de films à écouter. Intéressé par les artisans et les artisanes derrière les œuvres, Manuel ne se sent pas interpellé par les mises en scène à saveur glamour majoritairement exploitées dans les formules galas.

« Un glam respectable »

Le rédacteur en chef de la revue cinématographique Séquences, Jason Béliveau, témoigne que l’aspect people ー la consécration au vedettariatdu gala attire peu de téléspectateurs et de téléspectatrices issu(e)s de l’industrie du cinéma. Ce serait plutôt la liste des œuvres récompensées qui mousse l’intérêt chez ce public.

Jason Béliveau explique que « la volonté première de la création du gala des Iris est de donner de la visibilité au cinéma québécois ». L’évènement doit alors prendre des airs de « glam respectable » afin de rallier les adeptes de films d’auteur à ceux des comédies estivales devant leur poste, un dimanche d’été.

Selon le directeur de l’École des médias de l’UQAM, Pierre Barrette, féliciter le septième art et ses artistes à une heure de grande écoute « donne un deuxième souffle à la vie des œuvres ». « On vient stimuler la demande du côté du public », avance-t-il. Il devient évident que, pour répondre à la mission du gala, le public doit être au rendez-vous devant son téléviseur. C’est aussi son plus grand défi.

Pierre Barrette souligne que la majorité des jeunes de 18 à 35 ans ne regardent plus les émissions de télévision. La disparité entre le public de la télévision et celui du cinéma agit aussi sur la remise de prix. La tendance suppose que les adeptes des émissions télévisées du dimanche soir ne fréquentent pas assidûment les salles de projection. Les films récompensés lors du gala sont alors en grande partie inconnus des téléspectateurs et des téléspectatrices.

« Ils se disent ”ça, je n’en ai jamais entendu parler”, commente Jason Béliveau. À un moment, ils décrochent. » C’est pourquoi, selon lui, l’industrie capitalise sur les vedettes de télévision. Il donne l’exemple du film Les oiseaux ivres de Ivan Grbovic. « Quand ils ont casté Claude Legault dans le film, ils se sont dit que ça allait les aider à aller chercher le grand public », ajoute M. Béliveau.

Prendre l’affiche sans être vu

La multiplication des plateformes de visionnementserait un autre coup de massue à la visibilité de notre cinéma, dit Pierre Barrette. Celle-ci raccourcit « le spectre de vie des œuvres » . Avec Netflix, Crave, Disney + et autres plateformes, selon lui, les gens ne savent plus où donner de la manette.

À cela s’ajoute le manque d’accessibilité aux films en salle. Peu d’œuvres ont la chance d’être projetées plusieurs fois et dans divers établissements, particulièrement à l’extérieur de la métropole montréalaise. De plus, la pandémie a aussi mis des bâtons dans les roues de la diffusion au cinéma. Salles fermées ou à mi-capacité, et dépourvues de maïs soufflé : le virus ne les a pas épargnées.

Jason Béliveau soutient que la société doit pouvoir consommer à l’unisson un film pour pouvoir en parler. « Pendant les dernières années, il y avait comme une mésadaptation qui faisait que tu parlais d’un film et la personne te répondait : “je ne l’ai pas vu”. » La diffusion est le réel enjeu. Si l’on veut décorer les artisans et les artisanes du septième art devant grand public, il faut rendre les œuvres aisément disponibles, en salle comme en ligne, soutient-il.

Bon nombre de défis obligent le Gala Québec Cinéma à s’adapter s’il veut perdurer. Indépendamment des films et des artistes récompensé(e)s, la mise en scène du gala doit transformer l’évènement en une fête à ne pas manquer, croit Pierre Barrette.

Mention photo Manon Touffet | Montréal Campus

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