Mise en garde : proxénétisme et abus sexuel
« 41% des enfants tchèques ont confirmé avoir reçu des images pornographiques d’une autre personne », est-il possible de lire alors que commence Caught in the Net, un documentaire disponible en ligne jusqu’au 31 octobre dans le cadre du Festival du nouveau cinéma. Réalisé par Vít Klusák & Barbora Chalupová, le film trace un portrait profondément perturbant de l’omniprésence de l’abus que subissent trop d’adolescentes en ligne.
Assises en studio dans leur fausse chambre et devant leur ordinateur, les trois actrices (Tereza Těžká, Anežka Pithartová et Sabrina Dlouhá) qui incarnent des fillettes de 12 ans sur différents réseaux sociaux reçoivent à répétitions des messages d’hommes.
En seulement 10 jours de tournage, elles en ont reçu 2458. Photos illicites, demandes sexuelles répétées, manipulations, menaces de révéler les différents secrets des jeunes filles : toutes les méthodes sont bonnes pour ces hommes qui, sans remords, tentent de les enjôler afin d’obtenir des faveurs sexuelles.
L’abus au-delà du Web
Bien que les discussions, par appel et par écrit, entre les actrices et les prédateurs soient troublantes, elles présentent une réalité déjà bien connue. Cela diminue quelque peu le caractère de l’oeuvre, mais peut-être était-ce simplement adressé à un public ignorant cette révoltante réalité. Cela serait sans doute plus percutant pour un auditoire étant moins familier avec des photos non sollicitées. Quoi qu’il en soit, les discussions filmées témoignent de dangers inacceptables, mais plutôt communs.
C’est plutôt en sortant du studio que le documentaire se démarque. La fin de l’oeuvre indique que leurs méthodes ont mené à plusieurs arrestations et procédures judiciaires. Toutefois, c’est un aspect sous-développé dans le film, qui passe une trop grande majorité de son temps en studio.
Ce ne sont que dans les 25 dernières minutes du film que les actrices discutent en personne avec différents hommes. Deux rencontres sont particulièrement dérangeantes. Dans l’une, l’homme arrive au lieu de rendez-vous avec sa femme, qui se mettra à expliquer, à qui elle croit être une fille de douze ans, le plan sexuel qu’ils ont prévu avec elle. « En gros, tu me lèches en bas et ensuite tu le baises », dit sèchement l’épouse à l’actrice.
Dans une autre, ce qui domine est l’indifférence imperméable à l’enfer dans laquelle l’homme place les adolescentes. Le réalisateur confronte un homme et lui demandent s’il se sent coupable de ce qu’il fait, celui-ci rétorque, détaché : « Je peux leur envoyer ce que je veux. C’est la faute [des parents] si elle a été élevée ainsi, si elle va en ligne et discute avec de tels types. » Un troublant détachement qui transparaît trop peu dans l’oeuvre.
Lors de cette confrontation, l’une des actrices est présente, et lance au prédateur : « J’ai été dans la peau de ces filles pendant trois mois, et j’en fais encore des cauchemars. » Une révélation qui aurait requis davantage d’intérêt de la part de la réalisation.
Les trois actrices jouent un rôle à la fois difficile et déconcertant. Recueillir leur point de vue sur ce qu’elles observent et vivent aurait pu permettre d’approfondir l’analyse et la démonstration du caractère éprouvant que vivent les véritables victimes. Il aurait été pertinent de recevoir le point de vue des trois actrices ayant elles-mêmes été victimes de cette forme d’abus afin d’avoir leur entière perception sur le sujet.
Lueur d’espoir
Malgré les horreurs présentées, le film sait aussi se faire touchant. Alors qu’un énième homme s’adresse à une des actrices, le jeune homme de 20 ans discute en amorce de tout et de rien avec elle. Lorsqu’elle lui dit que des hommes plus âgés lui demandent des faveurs sexuelles, le jeune homme est de bon conseil et l’encourage à ne pas envoyer en ligne des photos osées d’elle, comme un grand frère le ferait.
Il est sans surprise le seul homme à réagir de la sorte, et sera également le seul à ne pas avoir le visage brouillé. Une unicité émouvante qui détonne. « Après ces 10 jours, je suis émue quand je tombe sur quelqu’un de décent », chuchote l’actrice une fois l’appel terminé. Qui ne le serait pas, après plus de 2 000 individus indécents.
Mention photo © Autlook Filmsales
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