L’expérience ultime

Accoudé au bar, un verre de vin à la main, Raymond Lemieux se lève pour accueillir avec nervosité, mais enthousiasme, chaque personne qui arrive au lancement de son livre. Quelques coins de rue plus loin, l’UQAM et le local du Montréal Campus. Là où une vingtaine d’années plus tôt, la carrière de journaliste du rédacteur en chef de Québec Sciences a commencé.

Lorsqu’il était assis sur les bancs de l’Université du peuple, le programme de journalisme et l’École des médias n’existaient pas. Raymond Lemieux était au baccalauréat en communications. Il voulait à l’époque étudier la psychologie sociale. «À mon grand malheur, dit-il avec ironie, en plus des cours de psychologie, il y avait des ateliers obligatoires de radio, de télévision et surtout, d’écriture journalistique.»

Ce dernier cours est une véritable révélation pour lui. L’écriture lui apprend à structurer sa pensée, à devenir pertinent et à se glisser dans la peau du lecteur. «Ça me sert encore aujourd’hui. J’aime dire que je ne suis pas un rédacteur en chef, je suis un lecteur en chef», raconte-t-il, passionné. Il ajoute ensuite que le journalisme ne doit pas être trop spécialisé pour justement ne pas perdre de vue le lecteur. Ironiquement, la plupart des gens croient que Québec Sciences est un magazine spécialisé. «Ce n’est pas le cas, rectifie-t-il. Il y a de la science dans l’actualité. Il faut l’utiliser pour expliquer certains évènements, comme la fermeture de Gentilly II par exemple.»

Dans son livre, Raymond Lemieux brosse le portrait du magazine Québec Sciences depuis sa création il y a 50 ans. À l’occasion du lancement, il se glisse timidement sur la scène pour un discours. «Dans les médias récemment, on a dit que c’était un miracle qu’un petit média comme Québec Sciences existe encore après toutes ces années. Ça m’a fâché. Ce n’est pas un miracle, c’est le résultat du travail de plusieurs personnes. Québec Sciences est un magazine d’exception», déclare le journaliste dans une nuée d’applaudissements.

Même s’il n’a jamais étudié en sciences, Raymond Lemieux avait de l’intérêt pour le journalisme scientifique bien avant son arrivée à Québec Sciences. Comme pigiste, il ose le genre, allant même jusqu’à vider son compte de banque pour couvrir un sommet sur l’environnement à Rio. D’abord embauché comme adjoint, il devient rédacteur en chef l’année suivante. L’ancien journaliste scientifique Étienne Denis est celui qui l’a embauché. «J’aime dire que moi, la meilleure chose que j’ai fait lorsque j’étais rédacteur en chef, c’est engager Raymond Lemieux», lance-t-il en riant.

Comme réacteur en chef depuis plus de vingt ans, Raymond Lemieux est permissif, mais a beaucoup d’attentes, confient quelques-uns de ses collègues. Le secret de sa longévité? «C’est quelqu’un de têtu. Il est aussi très original. Il a une vision des choses qui est bien à lui», estime Pascale Millot, son adjointe des huit dernières années.

Raymond Lemieux frissonne lorsqu’est abordé son passage au Montréal Campus. «C’était stressant. Tu publies quelque chose qui va être lu. Pas seulement par tes amis et tes professeurs, mais par tout le monde. Tu ne veux pas te tromper», raconte-t-il avant d’ajouter qu’écrire au Montréal Campus était une «cristie d’épreuve».

Pour lui, le journal devrait continuer d’exister, même si, comme il l’a vécu lui-même au début du journal étudiant, les problèmes financiers sont au rendez-vous. «Le MMontréal Campus, c’est l’expérience ultime, ça dépasse les impératifs de formation. Il ne faut pas que ça lâche, c’est la véritable école de journalisme», lance-t-il avant de s’éloigner dans la foule, verre de vin à la main.

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