Facile pour certains, un vrai défi pour d’autres: trouver un emploi peut s’avérer être un défi de taille pour les personnes atteintes de nanisme.
Depuis juillet dernier, Jacinthe Cartier envoie son curriculum vitae partout. Rien à faire: ses tentatives sont infructueuses. Atteinte de nanisme, la jeune femme est à la recherche d’un emploi depuis maintenant plus de six mois. Son handicap, à son grand désespoir, est un obstacle majeur. «Les employeurs me voient et ont l’impression que je vais leur faire perdre de la clientèle, que je vais rebuter les gens», explique d’une voix résignée Jacinthe Cartier. Ce problème, elle le partage avec plusieurs autres personnes handicapées, qui peuvent difficilement entrer sur le marché du travail à cause de leur apparence.
«C’est interdit de ne pas embaucher un candidat seulement à cause de son handicap, mais il n’existe pas de loi spécifique qui oblige les employeurs à les engager», précise Geneviève Labelle, technicienne juridique chez Trudel Nadeau avocats.
Une question d’équité
«Notre but, c’est la défense des droits. On est là pour faire connaître le nanisme et on soutient les personnes de petite taille dans leurs démarches», lance d’emblée Nancy Duguay, agente de soutien et de développement à l’Association québécoise des personnes de petite taille (AQPPT). À première vue, rien ne distingue les bureaux de l’AQPPT de ceux d’une autre association. Toutefois, c’est en baissant les yeux qu’on remarque une différence: des bancs d’appoint. Partout, des petits bancs inondent l’espace. Personne ici n’est jugé sur sa taille. Selon les besoins, l’Association offre des services d’accompagnement en recherche d’emploi, ainsi que dans des ateliers de sensibilisation dans les écoles du Québec. Seule association dans la province à se consacrer aux personnes de petite taille, elle offre aussi un bottin de ressources qui est devenu vital pour les personnes atteintes de nanisme, une référence dans le milieu. Elle-même atteinte de handicap, Nancy Duguay se remémore la difficulté à trouver un emploi. «Les patrons me disaient qu’ils ne m’engageaient pas à cause d’un manque de qualifications, mais dans le fond, c’était à cause de mon nanisme, ça se sent», dit-elle, une pointe de colère dans la voix.
Les programmes pour tenter d’intégrer les personnes de petite taille en emploi sont nombreux, mais ce sont surtout des centres d’accompagnement et d’aide à l’insertion qui prennent une grande place. C’est le rôle, entre autres, de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) qui assure que les droits des gens atteints de nanisme soient pris au sérieux. «On ne fait pas d’affichage de poste, c’est plus de l’accompagnement dans le respect des droits des personnes handicapées», indique Annie Landry, conseillère à l’intégration à l’OPHQ, atteinte également de nanisme. Des programmes incitatifs à l’embauche des personnes de petite taille sont aussi mis sur pied. Le Contrat d’intégration au travail, par exemple, est un programme qui offre une compensation financière pour les accommodements nécessaires à l’embauche d’une personne handicapée. «Le programme permet aux employeurs de nous choisir en ne pensant pas aux coûts que nous allons leur engendrer», déclare, pleine d’espoir, Nancy Duguay.
Pointés du doigt
«Le nanisme est un handicap à prendre au sérieux. On ne rira pas des Noirs, des aveugles, des homosexuels, mais un nain, ça passe», s’indigne l’agente de soutien et de développement à l’AQPPT.
«Je travaillais dans un hôpital et mes collègues me disaient qu’ils m’achèteraient des patins à roulettes pour que j’aille plus vite», avoue Jacinthe Cartier. Selon cette dernière, les gens sont souvent tentés de prendre le handicap à la légère. Nancy Duguay rappelle d’ailleurs qu’il est préférable d’employer l’expression «personne de petite taille» que «nain», qui a une connotation péjorative. «Ça sonne tout de suite Blanche-Neige ou encore créature de foire, précise-t-elle. Les gens viennent me frotter la tête ou me prendre dans leur bras, comme si j’étais un porte-bonheur.»
L’intégration des personnes de petite taille a tout de même ses limites. Les domaines d’emploi où une grande mobilité est nécessaire sont malheureusement fermés pour la plupart des personnes vivant avec le nanisme. «On ne peut pas rester debout trop longtemps, à cause de nos jambes. Une personne de taille normale fait 10 pas, moi je dois en faire 20 pour arriver au même point.»
Dans les cas où une personne de petite taille voudrait devenir pompier ou policier, par exemple, les organisations d’aide à l’emploi tentent de les orienter vers des domaines connexes. «Si j’avais voulu être policière, je n’aurais pas pu, mais j’aurais pu être inspecteur par exemple. C’est dommage, mais on est conscient», souligne Nancy Duguay, lucide. Cependant, ce ne sont pas les limitations physiques qui les arrêtent. «À l’Association, on a des avocats, des médecins. On a même quelqu’un qui conduit des camions de construction», souligne avec fierté l’agente de soutien et de développement. Comme quoi rien n’est impossible.
Crédit photos: Zoé Pouliot-Masse
(Sur les photos, Nancy Duguay, agente de soutien et de développement à l’Association québécoise des personnes de petite taille)
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