Bien que treize années se soient écoulées depuis Ratcatcher, son premier long-métrage, les préoccupations thématiques de la réalisatrice écossaise Lynne Ramsay sont restées sensiblement les mêmes. Sa dernière oeuvre, We Need to Talk About Kevin, librement inspirée du roman éponyme de Lionel Shriver, reprend le thème de la famille dysfonctionnelle. Cette fois par contre, ce n’est plus le fils qui rêve d’une meilleure famille mais la famille, ou plutôt la mère, qui est dépourvue devant un fils ignoble.
Le film dépeint la vie d’une entrepreneure accomplie qui délaisse à contrecœur travail et passions pour fonder une famille. Dépourvue d’instinct maternel, elle met au monde un fils au caractère essentiellement mauvais. Habile manipulateur, il est toujours des plus aimable en présence de son père, mais redevient détestable, cruel et méprisant lorsqu’il est seul avec sa mère, ou plus tard avec sa petite sœur. Devenu adolescent, il ira jusqu’à commettre l’irréparable en mettant en pratique le plus odieux de ses complots. L’accent est mis sur l’impuissance de la mère et l’escalade de son désespoir face à son fils, autant avant qu’après les atroces évènements.
Racontée en suivant une chronologie constamment alternée, l’histoire se révèle avec une subtilité d’abord difficile à cerner mais qui au final relève d’une brillante complexité. Même si les nombreux recours aux flous, les flash-backs souvent indistincts et le bruitage parfois excessif sont des moyens de mise en scène qui peuvent s’avérer légèrement agaçants, ils renforcent les émotions qui se dégagent du film et servent précisément les besoins du scénario. Soutenue par une performance d’une intensité remarquable de Tilda Swinton, la justesse de la réalisation de We Need to Talk About Kevin parvient définitivement à inscrire Lynne Ramsay dans la lignée des grands cinéastes britanniques des dernières années.
We Need to Talk About Kevin, de Lynne Ramsay, Royaume-Uni/États-Unis, 112 min.
À l’affiche depuis le 10 février.
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