À la suite de son congédiement, un chargé de cours en quête de conseils se dit mal desservi et victime de discrimination raciale de la part de son syndicat.
29 juin 2009. Le chargé de cours Claudio Benedetti apprend par une lettre de l’Université son congédiement. Subverti, il se tourne vers le Syndicat des chargés de cours de l’UQAM (SCCUQ). Mais à sa grande stupéfaction, ce dernier est plutôt tiède à l’idée de le défendre. Un des conseillers le représentant aurait même tenu des propos discriminatoires à son égard.
Tout commence à l’automne 2007, alors que Claudio Benedetti est aux prises avec des problèmes sérieux de santé. Son état lui fait perdre son emploi à l’École de technologie supérieure (ETS). Pour pallier cette perte, il demande à reprendre son poste à demi-charge au collège Ahuntsic, tout en conservant son poste de chargé de cours à l’UQAM. Au même moment, il est appelé à choisir les cours qu’il désire dispenser à l’Université du peuple. L’ingénieur de formation doit divulguer, selon la convention collective, quelques informations concernant son statut en simple ou en double emploi.
Cette notion est très sensible pour le noyau militant du SCCUQ. Elle permet de privilégier dans l’attribution des cours, les chargés de cours en simple emploi qui tentent de vivre de leur métier. Comme il n’est plus professeur à temps plein au Collège Ahuntsic et n’est plus à l’emploi de l’ETS, Claudio Benedetti, s’inscrit en simple emploi. Cela avait toujours été le cas depuis son embauche en 1982. Or, une clause de la nouvelle convention collective, entrée en vigueur le 2 juin 2008, avait été modifiée et le plaçait désormais en situation de double emploi. «Je revenais d’une période de convalescence, je n’avais pas eu le temps de vérifier les modifications, explique-t-il. J’enseigne dans d’autres institutions des Universités du Québec et seule l’UQAM a changé cette clause».
Le 28 mai 2009, Claudio Benedetti reçoit une lettre du Comité du double emploi, les déclarations des chargés de cours, l’invitant à expliquer sa situation exacte. Avant de comparaitre, il communique avec son syndicat. Claudio Benedetti reste alors bouche bée devant les paroles de son conseiller, Jean-François Tremblay. «Il m’a demandé si je connaissais Tony Accurso, s’indigne Benedetti. Je lui ai demandé quel était le rapport, en lui rappelant que j’étais en train de perdre mon emploi». Il dit avoir été l’objet de sarcasme par rapport à ses origines italiennes de la part du conseiller du SCCUQ. Ce même conseiller aurait aussi fait allusion à la polémique des compteurs d’eau parce que le chargé de cours était aussi conseiller municipal à la Ville de Brossard.
Outré, Claudio Benedetti se rend seul à la rencontre avec le comité du double emploi, son syndicat n’ayant pas jugé pertinent de l’accompagner. Il suit tout de même la suggestion de son conseiller de «dire toute la vérité». «La rencontre, c’était pire que la Gestapo. Il y avait des projecteurs de lumière sur moi», se remémore l’ex-chargé de cours.
Quelques jours plus tard, le comité remet son rapport recommandant le congédiement de l’employé et l’UQAM obéit dans une lettre de renvoi reçue par Claudio Benedetti le 29 juin. Ce dernier se rend au bureau du syndicat et explique avoir trouvé plusieurs erreurs de dates et de faits dans sa lettre de congédiement. «Ils m’ont répondu ʺne t’en fais pasʺ. Ils ont appelé les ressources humaines et ceux-ci ont dit que j’allais recevoir une lettre corrigée». Dérouté, Claudio Benedetti n’arrive pas à croire ce qu’il entend. Pour lui, ces erreurs justifiaient une révision complète du dossier.
À la suite de cette rencontre, il conteste son congédiement en déposant un grief. Jean-François Tremblay, du SCCUQ, lui affirme qu’il entend se pencher sur son dossier. Le conseiller demande l’autorisation à Claudio Benedetti de négocier avec l’Université pour arriver à une sanction moins sévère. «J’étais prêt à repartir à zéro, à oublier mes 27 années de service», laisse tomber Claudio Benedetti. L’UQAM refuse de négocier. L’ingénieur de formation demande alors de rencontrer le conseil d’administration du syndicat. Il voulait démontrer qu’il avait fait une erreur de bonne foi. «J’ai raconté mon histoire à nouveau et les membres m’écoutaient. J’étais optimiste.» Quelques jours plus tard, il apprend la décision du syndicat de ne pas rouvrir son dossier. «C’est ça le syndicat? fulmine Claudio Benedetti. J’ai tout fait dans cette Université et on me jette comme un vieux kleenex.»
Les batailles en Cour
Claudio Benedetti a déposé une plainte contre la décision du syndicat de ne pas déférer son grief en arbitrage devant la Commission des relations du travail (CRT). Le juge Benoît Monette l’a autorisé à soumettre sa réclamation à un arbitre aux frais du SCCUQ et ordonné à la centrale de lui verser 6 000 $ en mesures réparatrices. Le syndicat a contesté la décision devant la Cour supérieure qui a contredit la décision de la CRT. Le camp Benedetti fait maintenant appel de la décision. «On considère que la décision de la Cour supérieure manque d’égard à l’endroit du jugement de la CRT», commente Michel Girard, l’avocat de Claudio Benedetti.
Les propos tenus par Jean-François Tremblay font l’objet d’une plainte de la part de Claudio Benedetti auprès de la Commission des droits de la personne (CDPDJ). Le conseiller syndical reconnaît avoir fait une blague sur Accurso et les compteurs d’eau, mais dit ne pas se souvenir du reste. Pour leurs parts, la CRT et la Cour supérieure ont toutes deux condamné ses propos. Cette dernière a cependant donné raison au syndicat dans sa décision de ne pas déférer le grief en arbitrage.
Si la CDPDJ juge le conseiller coupable, le syndicat pourrait être contraint de présenter ses excuses à Claudio Benedetti ou de le dédommager monétairement. «Je ne fais pas ça pour l’argent, plaide ce dernier. Je ne demande qu’une seule chose depuis le début: que mon syndicat me représente». Le SCCUQ a refusé les demandes d’entrevues du Montréal Campus en raison des procédures judiciaires en cours.
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