«ABC» l’analphabétisme

Collège Frontière-UQAM

Facile de lire ce texte, vous pensez? Pour des centaines de milliers de Québécois, ça relève de l’exploit. Alors qu’une personne sur deux a des difficultés de lecture au Québec, des étudiants prennent leur abécédaire à deux mains pour contrer le fléau.

Environ 800 000 Québécois âgés entre 16 et 65 ans sont analphabètes selon la Fondation pour l’alphabétisation du Québec. Installé entre les murs bruns de l’UQAM depuis 1993, le Collège frontière permet chaque année, en collaboration avec d’autres organismes, d’initier des dizaines de Québécois de tout âge aux rudiments de la lecture. «Nous voulons faire une différence, explique Diego Gallego, le coordinateur communautaire de l’organisme. On essaie avant tout de donner aux gens qu’on aide de la motivation et de la confiance pour qu’ils puissent poursuivre leurs études.»

Selon l’Enquête internationale sur l’alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA), effectuée en 2003 par Statistiques Canada, un adulte Québécois sur sept âgé de 16 à 65 ans est incapable de lire un texte simple comme les publicités du métro. La proportion passe à pratiquement un sur deux pour ceux qui n’ont pas les compétences nécessaires pour fonctionner pleinement au sein de la société et de l’économie.

Pour Diego Gallego, ce problème de société tire son origine dans l’essence même du système scolaire au Québec. «C’est ce que j’aime appeler une problématique fantôme: on n’en parle pas, car on ne le voit pas», s’insurge-t-il. L’homme d’origine marseillaise montre du doigt le taux élevé de décrochage scolaire chez les jeunes de moins de 16 ans. Selon lui, la moitié de ces milliers de décrocheurs finissent par éprouver des problèmes de lecture et d’écriture. «C’est un sujet tabou, car l’éducation reste une grosse machine d’État, critique Diego Gallego. Il faut que les gens comprennent que c’est un problème social et non individuel.»

Bénévoles au front

Sans l’aide d’étudiants bénévoles comme Marie-Joëlle Essex, étudiante en études littéraires, le Collège Frontière de l’UQAM ne fêterait pas cette année son 17e anniversaire. «Nous avons environ 100 bénévoles et nous sommes toujours à la recherche de nouvelles personnes, partage celle qui est aussi la présidente interne au comité organisationnel. Présentement, nous avons environ 30 apprenants. Nous serions en mesure d’en accepter d’autres, mais tout dépend du nombre de tuteurs.» Avec ses tuteurs et bénévoles, le Collège frontière offre des cours de groupes ou individuels, ainsi que de l’aide aux devoirs et aux lectures. «Nous ne travaillons qu’avec des bénévoles, et non des enseignants», éclaircit le coordonateur communautaire du groupe, Diego Gallego.

Les bénévoles du Collège frontière de l’UQAM sont en première ligne contre ce félau et il arrive que certains solliciteurs posent plus de défis que d’autres. «Nous n’aimons pas dire que nous avons affaire à des cas «extrêmes», mais plus des cas «particuliers», raconte Marie-Joëlle Essex. Par exemple, on a accueilli un monsieur en chaise roulante qui communique avec une tablette. On essaye toujours de lui trouver un tuteur, quelqu’un qui serait à l’aise autour de lui.» Toutefois, la filiale uqamienne du Collège frontière, un groupe présent partout au pays, n’est pas à la disposition de tous les étudiants de l’Université du peuple. « Nous aidons des personnes qui présentent des lacunes évidentes, précise la jeune femme impliquée. Nous n’aidons pas les étudiants étrangers qui viennent étudier à l’UQAM parce qu’ils possèdent tout de même un diplôme et un certain niveau scolaire.»
Le taux d’analphabètisme au Québec bouleverse Diego Gallego, militant convaincu depuis maintenant dix ans. «La situation ne change pas, elle s’aggrave. Nous atteindrons notre but lorsque nous fermerons, affirme-t-il. Vu l’ampleur de la problématique, nous ne sommes qu’une petite goutte d’eau.» Un avis que partagent également ses bénévoles, qui souhaitent renverser la vapeur. «On ne se dit pas qu’on va sauver le monde chaque jour, rappelle Marie-Joëlle Essex. Mais si nous arrivons à changer la vie d’une personne, c’est déjà ça de gagner, n’est-ce pas?»

 

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