Lors de son congrès tenu en août, la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec a suggéré d’augmenter les frais annuels de scolarité de 4 000$. Une proposition qui indigne les militants du milieu étudiant.
Les étudiants québécois devraient payer 6 000$ par année pour fréquenter l’université. Du moins, c’est ce que souhaitent les deux tiers des membres de la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec (CJ-PLQ). Lors de leur dernier congrès annuel, ils ont adopté une résolution demandant à leur formation politique de mettre davantage les étudiants à contribution afin de renflouer les coffres des universités québécoises.
«Ce que nous voulons, c’est aligner les tarifs de la province sur la moyenne canadienne», explique le responsable aux affaires politiques de la CJ-PLQ, Julien Gagnon. La hausse du montant d’inscription serait accompagnée d’une bonification du système de prêts et bourses, mais l’essentiel des mesures d’aide aux étudiants résiderait dans le concept d’impôt postuniversitaire (IPU).
L’IPU est un système de paiement de la dette d’étude proportionnel à la rémunération de l’individu une fois sur le marché du travail. Le taux de remboursement demeure le même d’une année à l’autre jusqu’à l’acquittement total des frais. «Ce pourcentage s’appliquerait sur le revenu imposable. Il diminuerait donc, dans une certaine mesure, le niveau d’impôt des particuliers, précise Julien Gagnon. Ce qui inquiète dans une dette, c’est le risque. Les gens se demandent s’ils auront un salaire qui leur permettra de l’assumer. L’IPU élimine ce facteur en suivant les capacités financières de chacun.» La formule est déjà appliquée en Australie «avec succès», selon le président de la CJ-PLQ, François Beaudry.
C’est au cours d’une tournée provinciale d’un mois, menée auprès des jeunes libéraux par François Beaudry et Julien Gagnon, que l’idée d’un dégel important est apparue. Plusieurs membres jugeaient que l’actuelle hausse de 50$ par session jusqu’en 2012 n’est pas suffisante. «Il faut une mesure durable qui évite qu’on attende toujours après les autorités politiques, explique Julien Gagnon. La solution est de passer par les principaux concernés: les étudiants.» François Beaudry rappelle qu’un réinvestissement du gouvernement sous-entend nécessairement d’augmenter les impôts de tous. «Pourquoi le mécanicien ou le boucher […] auraient-ils à payer la quasi-totalité de l’éducation universitaire de l’économiste ou de l’avocat?» écrit-il dans une lettre publiée le 8 août dans le quotidien Le Devoir.
Inexpérience politique
La résolution de la CJ-PLQ ne fait pas l’affaire de tous, même au sein de l’organisation. «C’est une proposition trop brusque qui n’entraînera aucune adhésion et qui nuit au débat, s’exclame un membre de la CJ-PLQ, Mathieu Hébert. En 2006, j’ai voté pour un dégel responsable des frais de scolarité, mais on ne peut tripler la somme demandée sous prétexte de rejoindre la courbe nationale», soutient-il avant d’ajouter qu’une certaine inexpérience politique est peut-être en cause.
L’écho est aussi négatif du côté des associations étudiantes nationales. «Hypothéquer la jeunesse, retarder les projets de vie, réduire l’accessibilité aux études, c’est à ça que nous convie l’exécutif de la CJ-PLQ», dénonce le président de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), David Paradis. La porte-parole de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), Éloï Bureau, poursuit dans la même veine: «Avec sa résolution sur les frais de scolarité, la CJ-PLQ a étalé au grand jour toute son irresponsabilité et son ignorance en matière sociale. Au moins, elle met en lumière l’agenda caché du Parti libéral du Québec.» À la clôture du congrès de son aile jeunesse, le premier ministre Jean Charest a toutefois gardé ses distances par rapport aux résolutions adoptées et ne s’est avancé sur aucune question.
Les risques sont faibles de voir 2 000$ de plus inscrits sur la facture semestrielle des étudiants. La résolution de la CJ-PLQ doit d’abord passer par les plus hautes instances du Parti libéral et être acceptée par celles-ci avant même d’être discutée au gouvernement. «Nous savons qu’un travail de fond doit être fait pour amener la résolution à être envisagée, admet Julien Gagnon. Cependant, avec 33% des voix au plus hautes instances du Parti, nous avons un poids assez important.»
Jeunes politiciens outrés
Les ailes jeunesse de l’Action démocratique du Québec (ADQ) et du Parti québécois (PQ), ont toutes deux dénoncé avec vigueur la nouvelle mesure adoptée par la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec.
«Une augmentation des frais de scolarité de cette envergure serait catastrophique pour les étudiants québécois», soutient la présidente de la Commission des jeunes–ADQ, Catherine Goyer. Elle suggère plutôt d’indexer les droits de scolarité à l’indice du prix à la consommation et que le reste vienne d’un réinvestissement massif du gouvernement dans l’éducation.
«Tripler les frais de scolarité est irresponsable et inacceptable. C’est un choix fait à contre-courant des intérêts des jeunes», s’exclame la présidente du Comité national des jeunes du PQ, Isabelle Fontaine. Son organisation propose que les frais de scolarité soient gelés à nouveau. «Suivra un sommet sur la question du financement des études postsecondaires auquel seront invités des représentants de tous les milieux. J’ose faire le pari qu’au bout de cette consultation, le concept du financement par les étudiants tombera», conclut-elle.
Dans les deux cas, la ligne de pensée des jeunes correspond à la position officielle du parti auquel ils se rattachent.
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