Elles font leur entrée dans l’une des plus hautes instances de l’UQAM alors que les services d’aide au harcèlement de l’université sont la cible de critiques virulentes et que le mouvement pour la rémunération des stages gronde de plus en plus. Entrevue avec Stéphanie Thibodeau et Maxine Visotzky-Charlebois, qui tenteront d’amener un nouveau souffle au conseil d’administration.
Montréal Campus : Vous prenez la place de deux délégués qui axaient fortement sur la transparence et la communication. Qu’est-ce qui va ponctuer votre mandat ?
Stéphanie Thibodeau : Je pense qu’on est beaucoup dans une continuité en fait. C’est sûr qu’on a tous nos propres situations. Par exemple, je suis à la maîtrise en éducation et je pense que dans les dernières douze dernières années, il n’y a jamais eu personne en éducation qui était sur le CA. Je peux apporter cette branche-là et je trouve ça intéressant, avec la campagne de la rémunération des stages, d’avoir cette sensibilité-là.
Maxine Visotzky-Charlebois : On va aux rencontres interfacultaires, on se tient au courant avec toutes les associations. Le but est de préserver les liens qui ont été faits pour faire en sorte que ce qui se passe au CA soit transmis aux associations.
MC : Pour une deuxième fois dans les douze dernières années, deux femmes siègent comme représentantes étudiantes sur le conseil d’administration. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
MVC : Pour nous, c’est venu de soi, c’est un travail d’équipe à la base. C’est comme ça qu’on le concevait dès le début. C’était de se trouver un « partner ».
ST : Moi, en fait, c’était ma condition au départ. Je me suis dit, je veux arriver sur le CA et me présenter juste si je suis en équipe avec une autre personne femme, en fait qui n’est pas homme-cis*. Je m’implique dans des groupes féministes aussi et je trouve ça vraiment important de défaire cette socialisation genrée dans le milieu politique. Je pense qu’il y a beaucoup de modifications et une transition à faire là-dessus auprès de l’UQAM, mais dans la société aussi. Il y cette remise en question d’avoir que des hommes sur les instances, même dans les associations étudiantes.
MC : Vous êtes actuellement en transition avec les délégués sortants, Samuel Cossette et Nadia Lafrenière, et commencez à mieux connaître les enjeux de l’heure. Outre la rémunération des stages, est-ce qu’un dossier vous importe en particulier ?
MVC : C’est sûr que la Politique 16, ça se discute de plus en plus depuis l’année passée, après #MeToo. On a su [la semaine passée] que le comité qui travaillait là-dessus depuis deux ans a été remplacé de manière un peu arbitraire par un autre comité où la représentation étudiante est moindre. Avant, c’était un comité composé d’environ vingt personnes. C’était sept représentants étudiants et étudiantes, du monde du SÉTUE**, SEUQAM***, [notamment]. Le CA a, au fond, remplacé ce comité en disant qu’il n’était pas conforme à la loi 22.1, parce qu’il fallait [intégrer] des dirigeants. Il y a encore des étudiants et étudiantes, mais clairement il y a des enjeux de représentation du reste de la communauté uqamienne, et aussi des étudiantes. Il y a une perte d’expertise claire qui va se dégager de ça, parce qu’eux, ça faisait longtemps qu’ils travaillaient là-dessus. Il nous manque encore beaucoup d’information. Je pense que dans les prochaines semaines, il va y avoir des sorties [publiques] parce qu’il y a bien des gens, et pas juste des étudiants, qui ne sont pas contents de ça.
MC : Lundi passé, une dizaine de fausses publicités installées dans plusieurs quartiers à Montréal s’attaquaient à l’efficacité et à l’accessibilité du Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement (BIPH). Quel message cette initiative a-t-elle envoyé selon vous ?
MVC : Clairement un ras-le-bol de la communauté uqamienne par rapport au BIPH. Ce sont des problèmes qui sont sus et connus depuis assez longtemps de tout le monde s’étant intéressé à la question.
ST : Ce qui est important, c’est de mettre de l’avant que ce n’est pas parce qu’on a un service que tout est réglé. Il faut l’entretenir et y mettre de l’argent, notamment. Il faut que ce soit suivi. Ce dont on s’est rendu compte avec les associations étudiantes, c’est que ce sont elles qui doivent gérer les personnes qui subissent des situations de harcèlement, c’est ça le premier recours. Il y a des délais de traitement. Tu vis une situation d’agression, ça prend trois jours pour que l’université réponde. Là, tu consultes les associations étudiantes. Ce ne sont pas des intervenants et intervenantes, ce sont des exécutants et exécutantes qui ont aussi plein d’autres dossiers.
MC : Accompagnées des autres associations étudiantes, vous avez rencontré la rectrice Magda Fusaro. Qu’en avez-vous tiré ?
ST : [On a] des rencontres « interfacs » avec les associations étudiantes qui nous permettent de discuter ensemble. La rectrice a souhaité nous rencontrer. Elle veut se sensibiliser aux campagnes, on ne peut pas lui reprocher. Il y a des points qu’on aimerait avancer plus [avec la rectrice], mais on n’a pas nécessairement les mêmes intérêts, la même écoute. Je pense que c’est bien qu’on ait ces rencontres avec elle, mais ce n’est pas parce que [ça a eu lieu] que ça veut dire qu’on a été consultées et qu’on a vraiment un pouvoir d’action.
Historique des délégués étudiants sur le conseil d’administration:
2006-2008 : Patrick Veronneau et Simon Tremblay-Pepin
2008-2011 : Charlotte Guay-Dussault et Stéphanie Bernier
2011-2013 : Samuel Ragot et Jean-François Meilleur
2013-2015 : René Delvaux et Justine Boulanger
2015-2018 : Nadia Lafrenière et Samuel Cossette
Maxine Visotzky-Charlebois et Stéphanie Thibodeau ont été désignées pour représenter la population étudiante à la suite d’une consultation qui s’est tenue en avril dernier. Chacune l’a emporté avec la majorité des voix.
*Hommes-cis : une personne cisgenre s’associe au genre qui lui est attribué à la naissance. La personne n’est pas transgenre.
**SÉTUE : Syndicat des étudiants et étudiantes employé-e-s de l’UQAM
***SEUQAM : Syndicat des employés et employées de l’UQAM
photo: FRANÇOIS CARABIN MONTÉAL CAMPUS
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