Les personnes retournant à l’université après avoir entamé une carrière rencontrent davantage d’obstacles que les étudiant(e)s ayant un parcours traditionnel.
« Si j’avais un souhait, ce serait de déconstruire l’image de la personne étudiante universitaire qui sort du cégep et qui s’en va directement sur le marché du travail », déclare le professeur au Département d’éducation et pédagogie de l’UQAM et expert en éducation des adultes, Jean-Pierre Mercier. « Ça fait des décennies que les expériences scolaires sont beaucoup plus variées. »
Selon les données des Services à la vie étudiante (SVE), 1418 personnes inscrites dans un programme à l’UQAM à l’automne 2023 ont été admises sur une « base adulte ». Ces personnes ont plus de 21 ans et sont sélectionnées pour leur « expérience pertinente » plutôt que leur dossier académique.
C’est le cas de Maguy Boissard, qui a décidé de retourner aux études afin d’améliorer ses conditions de travail. Après avoir travaillé plusieurs années comme éducatrice spécialisée dans les écoles du centre de services scolaire de Montréal, elle a décidé de retourner sur les bancs de l’UQAM afin d’entamer un Baccalauréat en enseignement.
Pour Issam Chaya, un étudiant adulte, c’est le besoin de parfaire ses connaissances dans son domaine et d’« avancer mentalement » qui l’a mené à se spécialiser en management en s’inscrivant à la Maîtrise en science de la gestion de l’UQAM. « Je sentais que je devais avoir de l’expérience avant de faire une maîtrise. J’ai senti que c’était maintenant le bon moment », raconte l’homme ayant auparavant passé plus de huit ans sur le marché du travail à Montréal.
Des conditions différentes
Les principales différences entre les personnes qui ont un parcours traditionnel – soit le fait d’entamer un baccalauréat à la suite d’un programme au cégep – et les personnes retournant aux études après avoir eu une carrière sont dans les conditions d’études. Un grand nombre d’étudiant(e)s admis(e)s sur une « base adulte » doivent occuper plusieurs rôles sociaux en plus de celui d’étudiant(e); beaucoup doivent travailler ou s’occuper de leurs enfants.
Les expériences vécues par les étudiant(e)s plus âgé(e)s peuvent aussi différer de celles vécues par les étudiant(e)s aux parcours traditionnels. « C’est difficile d’entrer en relation et d’avoir des conversations avec des personnes beaucoup plus jeunes », explique Maguy Boissard.
« On ne vit pas les mêmes expériences et on n’est pas à la même place dans notre vie. »
– Maguy Boissard
Selon les observations de Jean-Pierre Mercier, ces différents contextes sociaux rendent plus difficiles les travaux d’équipe « pour ces personnes qui souvent n’ont pas d’emblée un réseau ». « Il est souvent difficile aussi d’avoir un horaire qui coordonne avec les jeunes étant donné leurs autres obligations », ajoute-t-il. Selon lui, les professeur(e)s gagneraient à adapter leur enseignement à cette population, en privilégiant par exemple les travaux individuels aux travaux en équipe.
Selon Issam Chaya, la difficulté à s’intégrer se fait cependant un peu moins ressentir pour les gens étudiant au deuxième cycle. « À la maîtrise et au doctorat, les groupes sont un peu plus mélangés, il y a plus de diversité des âges », estime le trentenaire. Grâce à son tempérament, qu’il juge « sociable », celui-ci ne ressent pas de difficulté à s’intégrer au groupe. Selon les données des SVE, les retours aux études sont plus nombreux au deuxième cycle qu’aux autres cycles universitaires.
Reconnaissance des acquis
Un retour aux études est souvent exigeant en matière de temps et d’argent, ce qui peut en décourager plusieurs. Jean-Pierre Mercier pense que si l’UQAM était davantage performante en matière de reconnaissance des acquis, beaucoup plus de personnes seraient incitées à retourner étudier à l’université.« Souvent, les questions qui se posent avant de prendre la décision de retourner à l’université sont : “Est-ce que j’ai le temps? Est-ce que j’ai l’argent?” », explique M. Mercier. « Une meilleure reconnaissance des acquis serait un double avantage, puisque cela permettrait de raccourcir la formation et de réduire les coûts. »
Mention photo : Élizabeth Martineau
Laisser un commentaire