Le travail manuel à la rescousse des jeunes

Le retour des apprentissages manuels pourrait être une solution face à des enjeux environnementaux, économiques, mais surtout de santé mentale, disent des experts et des expertes rencontré(e)s par le Montréal Campus

« Beaucoup de femmes nous disent et nous répètent que souvent, l’artisanat les a sauvées d’une dépression sévère. Ça leur a redonné de l’estime de soi. Parce que tu apprends et souvent, tu as des connaissances et tu es capable de les transmettre. Et en les transmettant, c’est extraordinaire pour l’estime de soi », témoigne Marie Parent, présidente des Cercles de Fermières du Québec (CFQ). 

Les CFQ est une initiative centenaire qui se concentre sur la femme ainsi que sur le patrimoine culturel et artisanal. Mme Parent souligne que l’artisanat est bénéfique pour l’environnement et le porte-monnaie, puisqu’il encourage le recyclage de matériaux usagés.

Par exemple, la cinquième revue annuelle du CFQ qui se concentrera uniquement sur des initiatives de recyclage et explique comment réutiliser des chandails « qu’on ne peut plus porter, qui ont changé de couleur ou qui sont décolorés. » « À partir de ça, on peut tisser des sacs pour faire des sacs à provision. Et en plus, non seulement on les tisse, mais ensuite on va pouvoir les coudre et s’en servir », précise-t-on dans la revue.

Bibliothèque d’outils et vieux grille-pain

Pour ceux et celles qui n’ont pas accès à une machine à coudre, elle suggère des organismes communautaires, comme La Remise à Montréal ou La Patente à Québec, qui offrent des « bibliothèques d’outils » et des ateliers partagés. Ceux-ci permettent d’avoir accès à des outils servant à la couture ou à d’autres activités manuelles sans en posséder, et de diminuer le besoin d’en acheter. 

La Patente et La Remise proposent aussi un « Café réparation », où des experts et des expertes aident à la réparation de différents objets. « Au lieu de jeter son vieux grille-pain et d’en acheter un neuf, on peut peut-être essayer d’aller le faire réparer à coût modique », souligne Guillaume Blanchet, co-responsable de la recyclerie à l’atelier La Patente.

De retour dans les écoles

La Patente et les Cercles de Fermières offrent tous les deux des activités aux jeunes pour qu’ils et elles puissent s’initier aux connaissances manuelles. Les CFQ offrent des ateliers de couture dans des écoles primaires, et La Patente, en partenariat avec le Centre Jacques-Cartier, accueille dans leurs locaux un cours parascolaire de menuiserie et d’ébénisterie ouvert aux plus de 16 ans. 

Jusqu’aux années 70, ces connaissances faisaient partie intégrante du programme d’éducation québécois. À l’époque, les apprentissages manuels étaient faits selon les genres, avec des cours de menuiserie pour les garçons dans certains collèges, et des écoles d’arts ménagers réservées aux filles. Ces dernières apprenaient, dès la première année du primaire, la broderie, le tricot, le crochet et la couture. 

Critiqué pour son renforcement des rôles genrés, ce système a été abandonné pour laisser place aux cours d’économie familiale, qui a lui-même été laissé de côté officiellement en 2006 pour accorder plus de temps aux cours théoriques.

Anne Deslauriers était professeure d’économie familiale jusqu’au retrait du cours dans les écoles québécoises et est maintenant professeure à la Faculté des arts de l’Université du Québec à Montréal. « Mes élèves ont adoré l’économie familiale et il y avait un module cuisine dans ce cours-là. Ça a vraiment marqué les élèves. On est plus de 20 ans plus tard et ils vont m’en reparler », partage-t-elle. 

Selon Marie Parent, « il faut définitivement trouver un moyen » de ramener les cours de savoir-faire dans les écoles, puisque « c’est zen de faire ça. Ça repose tellement notre cerveau, puisqu’il n’est pas continuellement sollicité par un écran. Le temps qu’on fait ça, c’est vraiment une thérapie extraordinaire. »

« Enrichir le futur sans tout jeter »

Mme Deslauriers déplore aussi la perte de ces connaissances manuelles. « Ce qui est dommage, c’est quand on se débarrasse de certaines expertises au profit d’autres au lieu de se demander comment on peut les conserver et continuer à profiter de ce qu’on a développé dans le passé pour enrichir le futur sans tout jeter », ajoute-t-elle.  

« Je pense que ces questions-là peuvent être ramenées, mais ça prend des groupes de discussion, des experts qui se prononcent. Est-ce qu’il y a moyen de ramener au moins des bribes de ces cours à l’intérieur d’autres cours ? » s’interroge-t-elle.

De son côté, l’école secondaire Rivière-des-Quinze de Notre-Dame-du-Nord, en Abitibi-Témiscamingue, offre un cours de menuiserie-charpenterie en option à ses élèves de 4e et 5e secondaire depuis plusieurs années déjà. Les élèves qui y participent construisent divers meubles et ont même réalisé la construction d’une serre pour l’école en 2018. En entrevue avec Radio-Canada la même année, les élèves décrivaient se sentir responsabilisé(e)s, fiers et fières et équipé(e)s pour le futur.

Mention photo : Jacob Bernier

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