« On vit contre notre corps toute notre vie. C’est pour cette raison que le cycle syncing est extrêmement important, car on apprend à travailler avec notre corps », pense l’autrice Jessica Karwat. Consistant à planifier son mois en fonction de son cycle menstruel, le mouvement du cycle syncing fait de plus en plus d’adeptes auprès des personnes ayant un utérus qui sont désireuses de reprendre le contrôle de leur corps.
Crampes douloureuses, fluctuation de son poids, acné partout sur sa peau et problèmes hormonaux : « il y avait beaucoup de choses qui n’allaient pas », raconte Jessica Karwat. « Je croyais que je devais m’entraîner plus et manger mieux, mais ce n’était pas la solution. J’étais juste plus stressée », témoigne l’autrice du livre Cycle Syncing Journal : The Power Of The Menstrual Cycle.
Lorsque Jessica est devenue nutritionniste et entraîneuse physique, elle a réalisé que d’autres femmes vivaient les mêmes difficultés qu’elle. « J’ai fait beaucoup de recherches sur le cycle menstruel et tout est devenu plus clair pour moi », souligne celle qui vit à Dubaï.
Depuis qu’elle a adhéré au cycle syncing il y a quatre ans, la jeune femme se sent beaucoup mieux dans son corps. Afin d’adapter son quotidien à son cycle menstruel, Jessica Karwat a dû amener plusieurs changements quant à son régime alimentaire, ses entraînements et sa routine de travail. « En ce moment, je suis dans ma phase ovulatoire, donc j’ai beaucoup plus d’énergie. Je me permets de planifier plus de rencontres reliées à mon travail, par exemple. Par contre, il y a des moments durant mon cycle menstruel où je dois ralentir », illustre la jeune femme. Les quatre phases du cycle se nomment menstruelle, folliculaire, ovulatoire et lutéale.
Phase | Définition | Durée | Que faire ? |
Menstruelle | Les règles marquent le début du cycle. C’est le moment où l’énergie est à son plus bas : il faut donc prendre plus de temps pour se reposer. | 3 à 7 jours |
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Folliculaire | Le corps produit plus d’œstrogène et de sérotonine. | Environ 14 jours |
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Ovulatoire | C’est l’étape du cycle menstruel où les personnes ayant un utérus ont plus de chance de tomber enceintes. | 24 à 48 heures |
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Lutéale | Le niveau d’énergie descend. La progestérone prend le dessus sur l’œstrogène. | Entre 12 à 16 jours |
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Sources : Réseau québécois d’action pour la santé des femmes et Mme L’Ovary
Se connecter à son corps
Jessica Karwat n’est pas la seule qui planifie son agenda d’après les différentes étapes de son cycle menstruel. De plus en plus de femmes désirent « connaître leur cycle menstruel et aborder les souffrances liées à ça », même si un tabou entourant les règles demeure, d’après Victoria Doudenkova, chercheuse postdoctorale au Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF). « Le cycle syncing est une tendance relativement récente dans le mainstream, je dirais depuis au moins quatre ans. C’est quelque chose qu’on voit émerger dans plusieurs pays. Il y a un ras-le-bol de la part des femmes d’avoir un rapport inexistant avec leur cycle [menstruel]. Il y a une grosse déconnexion avec son propre corps », observe l’experte.
Mme Doudenkova voit de nombreux bienfaits à cette pratique. « La connaissance de soi et l’amélioration de la qualité de vie en font partie », mentionne-t-elle. La gestion naturelle des règles via le cycle syncing « ouvre aussi une porte à l’acceptation des pratiques complémentaires et alternatives qui ont été historiquement rejetées et discriminées [comme la naturopathie et l’ostéopathie] », croit la chercheuse. Cette dernière précise que les pratiques qui ne sont pas réglementées ou protégées par un ordre professionnel sont sujettes aux « chasses aux sorcières ».
Bien qu’un certain nombre de personnes se tournent vers une gestion naturelle de leurs règles, donc sans prise de pilule contraceptive ni de pose de stérilet par exemple, d’autres pourraient ne pas voir d’amélioration par rapport à leur qualité de vie en raison de menstruations dites « pathologiques » qui les rendent peu fonctionnelles, nuance Elise Dubuc, gynécologue à la Clinique Sensolia, située à Montréal. « Il y a des femmes qui ont des douleurs intenses causées par l’endométriose ou par la dysménorrhée primaire. Elles peuvent avoir des nausées, de la diarrhée. Le naturel peut être assez invalidant pour elles. Ça mérite à ce moment-là une prise en charge médicale », estime-t-elle.
« Il faut faire attention de ne pas être dogmatique ou d’imposer une vision, en disant quoi faire ou ne pas faire aux autres. Il ne faut pas aussi penser que ça va tout régler les problèmes qu’on a », ajoute Mme Doudenkova.
Un droit au repos
« On vit dans une société où la performance est mise de l’avant. Le mouvement [du cycle syncing] est antagoniste, j’ai l’impression. Jusqu’à récemment, il y avait cette tendance de dire : “Oui, je suis menstruée, mais je m’en fiche. Je vais faire ma vie comme si de rien n’était, alors que je ne me sens pas nécessairement comme ça” », relève Elise Dubuc.
Si certaines personnes ayant leurs règles ont besoin de plus de soutien lorsqu’elles sont menstruées, la société pourrait leur être mieux adaptée, selon Victoria Doudenkova. « Au travail, on pourrait imaginer un monde où on fonctionne avec des objectifs [et où] tu gères ton temps comme tu veux. Dans les écoles, quand quelqu’un se sent mal, ça serait pratique d’avoir des bouillottes ou avoir un espace calme pour se reposer. Il faut adapter notre société plus harmonieusement aux cycles menstruels », soutient-elle.
Mention illustration : Malika Alaoui|Montréal Campus
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