Cinq ans après la première vague de dénonciations de violences sexuelles via le mot-clic #MoiAussi, la population québécoise est davantage sensibilisée à la problématique de la culture du viol. Ce mouvement a notamment soulagé de nombreuses victimes qui se sont reconnues dans les témoignages partagés sur les réseaux sociaux.
« Je sursautais très facilement au moindre bruit, mes réactions étaient à chaque fois démesurées », confie Clémentine Coantic, qui a été victime d’une agression en 2019. « Ça m’a impacté jusque dans mon sommeil, j’ai fait des paralysies du sommeil », ajoute-t-elle.
La jeune femme a vécu une agression lors d’un braquage à son domicile à la fin de l’année 2019, deux ans après le début du mouvement #MoiAussi. Elle décide de porter plainte le lendemain de l’agression. Elle tente de passer à autre chose, mais le traumatisme lié à son agression ne lui laisse aucun répit, encore à ce jour.
Clémentine a trouvé un peu de réconfort dans les témoignages d’autres victimes de violences sexuelles qu’elle a lus sous le mot-clic #MoiAussi. Cela lui a pris « du temps à réaliser l’impact que l’agression a eu [sur sa santé mentale] », témoigne-t-elle. Des publications sur les réseaux sociaux lui ont permis de se sentir moins seule et d’accepter ses émotions.
Le début du changement
Le mouvement #MoiAussi a commencé il y a cinq ans, en octobre 2017. La Toile s’est enflammée après la publication d’un reportage du New York Times. Cet article révélait des accusations de violences sexuelles visant le producteur américain Harvey Weinstein. Un mot-clic, #MoiAussi (#MeToo), a émergé : des femmes ont à leur tour dénoncé leurs agresseurs allégués via les réseaux sociaux.
Ces dénonciations ont levé le voile sur des sujets auparavant jugés tabous, note Sandrine Ricci, candidate au doctorat en études féministes à l’Université du Québec à Montréal et membre de l’Institut de recherches et d’études féministes. La société n’osait pas auparavant aborder le harcèlement présent dans le milieu culturel, par exemple, ou les dynamiques de pouvoir malsaines de certaines entreprises, illustre-t-elle.
Le mouvement #MoiAussi a permis un « effet de conscientisation et de politisation des violences sexuelles », explique Mme Ricci. Le mot-clic #MoiAussi a été « une façon de mettre en lumière les dimensions culturelle, sociale et politique des viols », soutient-elle.
Encore en 2022, seuls 6 % des agressions sexuelles subies par des personnes âgées de plus de 15 ans ont été rapportées à la police, selon Statistique Canada. Briser la culture du silence autour des agressions a été l’un des objectifs du mouvement féministe des cinq dernières années, d’après Mme Ricci.
Clémentine, elle, n’a jamais eu de mal à parler de son agression. Le fait d’en parler a été central dans son processus de guérison, juge-t-elle. La jeune femme est allée porter plainte le lendemain de l’évènement, sous les conseils de ses parents. L’une des étapes les plus dures pour elle est survenue après avoir porté plainte. Elle avait « l’impression que ce n’était plus à [elle] de suivre l’histoire », et que c’était dorénavant le travail des forces de l’ordre.
Des répercussions au Québec
Au Québec, l’une des affaires qui a fait couler le plus d’encre lors du mouvement #MoiAussi est celle du producteur québécois et ex-président du festival Juste pour rire, Gilbert Rozon, accusé par 20 femmes de les avoir agressées sexuellement entre 1982 et 2016.
Cette année, Hockey Canada a été mis dans l’embarras à la suite d’allégations d’agressions sexuelles visant certains de ses joueurs. L’organisation est accusée d’avoir utilisé de l’argent public pour camoufler un viol collectif commis par huit joueurs d’âge junior en 2018.
D’après Sophie Ricci, sans #MoiAussi, le scandale concernant Hockey Canada n’aurait jamais éclaté au grand jour en 2022. Ce mouvement de dénonciations a permis « d’élargir le spectre des comportements qui ne sont plus tolérables », résume la candidate au doctorat en études féministes.
Mention illustration : Malika Alaoui | Montréal Campus
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