Les arts vivants à l’agonie dans les écoles

Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 novembre 2022

Au cours du cheminement scolaire des jeunes Québécois et Québécoises, les minces opportunités d’activités liées aux arts vivants sont loin de se comparer à l’offre d’activités sportives. Même si le système scolaire québécois se veut formateur à tous les niveaux, certains aspects de notre développement humain sont laissés de côté.

Lors de mon parcours scolaire, j’ai rapidement été attiré par les rares opportunités d’activités artistiques qui m’étaient offertes, soit l’équipe d’improvisation de mon école secondaire et la troupe de théâtre de mon cégep. Bien que j’aie étudié dans une école privée au secondaire et au cégep qui ne manquait pas de budget, j’ai constaté que le financement pour de telles activités était mince, voire insuffisant.

Tandis que mon cégep mettait de l’avant les programmes de sciences et les équipes sportives, la place accordée aux activités d’art vivant était minime. Si on ne faisait pas l’effort de s’informer, il était difficile de savoir qu’une troupe semi-professionnelle de théâtre mettait en scène une pièce par année au sein du cégep.

Ce n’est pas la « prestigieuse » éducation de mon école secondaire qui m’a formé, mais ce sont les compétitions d’improvisation et le processus créatif d’une troupe de théâtre qui m’ont forgé comme individu.

Le psychothérapeute Alain Héril abonde en ce sens dans son ouvrage Techniques théâtrales pour la formation d’adultes, affirmant que « le théâtre est un indéniable outil de développement de l’individu. » Selon l’expert, le théâtre « aide surtout la personne qui le pratique à s’installer dans une connaissance de soi féconde et évolutive ».

Développer des opportunités d’activités théâtrales dans les écoles n’est pas mince affaire. Ces activités n’étant pas intégrées au cursus général de la majorité des écoles, il est difficile pour la poignée de personnes motivées de s’établir dans le paysage scolaire québécois.

La metteuse en scène du Théâtre du Vaisseau d’Or et comédienne, Sandrine Lemieux dénonce le manque de promotion de sa troupe semi-professionnelle collégiale. « En quatre ans, [le Vaisseau d’Or] est passé de 23 étudiants à sept étudiants », dénonce-t-elle. « À part mettre des affiches dans les corridors et mettre un kiosque en début d’année, c’est à [l’équipe du Vaisseau d’Or] de faire sa propre publicité », précise la metteuse en scène. Cela est dommage pour la metteuse en scène qui rappelle que la troupe reste affiliée au cégep dans lequel elle œuvre et reçoit très peu d’aide de celui-ci.

Le Vaisseau d’Or est une troupe semi-professionnelle autofinancée. À part sa metteuse en scène, chaque autre membre de la troupe doit être payé par l’organisme à but non lucratif (OBNL) qui doit trouver son financement ailleurs. Selon Mme Lemieux, les jeunes craignent de s’engager dans une troupe de théâtre, car ils et elles n’ont plus de temps à mettre dans les activités extracurriculaires. S’ils et elles le font, « ils vont mettre leurs efforts dans des activités pouvant leur mettre un pas dans le métier », en s’impliquant dans divers comités par exemple.

La comédienne dénonce une vision globale de la société qui a délaissé les arts vivants pour favoriser les sports dans une quête « d’apprentissage de rigueur et de discipline », ce que le théâtre amène aussi, et même plus selon elle.

Alors que des programmes gouvernementaux de soutien financier aux activités sportives comme le Programme de soutien aux infrastructures sportives et récréatives scolaires et d’enseignement supérieur (PSISRSES) existent, aucun programme de soutien financier n’existe pour les arts vivants en milieu scolaire. Les troupes comme le Vaisseau d’Or sont donc laissées à elles-mêmes. Elles se doivent de compétitionner avec des équipes sportives plus financées dans les lieux d’enseignement afin que les jeunes aient des possibilités.

Pour offrir un enseignement complet aux jeunes, offrir un traitement équitable aux arts vivants et aux sports dans les écoles est essentiel. Comme l’a écrit l’écrivain et philosophe Albert Camus en 1985, « le peu que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités. »

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