La renaissance du poème à l’écran

Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 novembre 2022

La poésie québécoise a connu ses plus beaux jours au cours du siècle dernier, notamment avec Émile Nelligan, Gaston Miron ou encore Anne Hébert. Depuis les dernières décennies, ce genre littéraire se renouvelle et se démocratise, même parfois en utilisant la caméra comme nouveau moyen de création. Tour d’horizon de la vidéopoésie.

À mi-chemin entre la littérature et le cinéma, la vidéopoésie consiste en « un poème prenant la forme d’un film, un film qui devient un poème. C’est un croisement, un carrefour. C’est un rendez-vous », explique Jonathan Lamy, poète et membre de l’organisme La poésie partout.

Prenant parfois sa source dans une collaboration entre poètes et poétesses et vidéastes, cette approche particulière apporte une nouvelle dimension au texte initial, à l’aide d’une combinaison visuelle et auditive souvent expérimentale. « On va chercher des images qui existent déjà dans la poésie, dans le blanc entre les mots », précise Catherine Cormier-Larose, codirectrice générale et directrice artistique du Festival de la poésie de Montréal (FPM).

Produit par la Maison de la poésie de Montréal, un organisme à but non lucratif, le FPM met annuellement de l’avant ce genre littéraire depuis plus de deux décennies à travers une panoplie d’activités, de rencontres et d’événements en lien avec la poésie.

Imager pour mieux faire rimer

Un manifeste publié en 2011 et écrit par le pionnier montréalais de la vidéopoésie Tom Konyves, resserre les règles de cette approche en y abordant trois points majeurs : la définition, les cinq catégories ainsi que les contraintes.

« [La vidéopoésie], un seul mot comme signe que la fusion du visuel, du verbal et de l’audible a bien eu lieu pour aboutir à une forme d’expérience poétique nouvelle et différente. Un seul mot comme reconnaissance qu’un siècle d’expérimentation de la poésie avec le cinéma et la vidéo », écrit-il dans son manifeste.

Des racines mystérieuses

L’origine de la rencontre entre le cinéma et la poésie n’est pas totalement définie. Des traces de vidéopoèmes peuvent être retrouvées dès l’aube du septième art — le cinéma — avec L’Étoile de mer de Man Ray, en 1928, par exemple. L’accessibilité à cette forme artistique s’est accrue quelques décennies plus tard, à la suite de l’invention des caméscopes, soit des appareils composés d’une caméra et d’un magnétoscope. « Les poètes se sont emparés de ça très rapidement, comme avec chaque nouvelle technologie », relate M. Lamy.

L’isolement et le rude traitement accordé au monde culturel durant les deux dernières années en raison de la COVID-19 ont obligé de nombreux poètes et de nombreuses poétesses à revoir leur manière de pratiquer. Les lectures en visioconférence et la création de vidéopoèmes ont permis à ces artistes de continuer à se connecter avec leur public. « C’est vers quoi on s’est tourné pour faire face à la pandémie », continue M. Lamy. 

Bien que la vidéopoésie connaît un récent essor, elle ne rivalise pas encore avec le grand écran, selon Catherine Cormier-Larose. « Ça n’a pas les mêmes moyens que le cinéma ou la télé, affirme la codirectrice générale du FPM. Pour le moment, ça serait un petit frère ou une petite sœur pauvre du cinéma. »

« La poésie est partout »

La vente des recueils de poèmes a observé une croissance considérable depuis les cinq dernières années. En 2021, ce sont 67 992 ouvrages de ce type qui ont été vendus, soit 43 % de plus qu’en 2020, selon le Bilan Gaspard du marché du livre au Québec. « La poésie est un genre difficile, mais paradoxalement, [elle] attire énormément de gens. […] On baigne dans le langage à cœur de jour », exprime Denise Brassard, essayiste et professeure du Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Comme avec la vidéopoésie, le renouvellement constant par divers sous-genres de la forme d’écriture poétique amène un souffle nouveau à ce style littéraire, selon l’artiste slameur Marc-Olivier Jean, mieux connu sous le nom d’Élémo. « Même si le slam est une forme de compétition en soi, la réelle gagnante est la poésie. Elle renaît et perdure », souligne-t-il.

La poésie compte des registres diversifiés, allant de textes « plus simples à une poésie plus près de la parole » en passant par « des poésies plus complexes, plus romantiques, lyriques ou autres », détaille Jonathan Lamy.

Cette variété permet à tout le monde d’y trouver son compte, selon Mme Cormier-Larose. « Je pense qu’on ne peut pas ne pas aimer la poésie, on n’a juste pas encore trouvé la poésie qui nous plait », plaide-t-elle.

Mention illustration : Camille Dehaene|Montréal Campus

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