Contraception masculine : un éveil grandissant face à une industrie stagnante

Les options de méthodes contraceptives sont multiples chez les femmes, mais peu nombreuses du côté des hommes. Certains commencent toutefois à s’éveiller à cette réalité et à s’intéresser aux options qui s’offrent à eux, mais ils sont rapidement confrontés à un manque de variété sur le marché.

Arthur Paluszkiewicz-Magner, étudiant au baccalauréat en droit à l’Université Laval, a entamé sa réflexion sur la contraception masculine après avoir pris connaissance des effets négatifs de la contraception sur les femmes de son entourage. « Je ne trouve pas ça juste que ce soit seulement les femmes qui ont à supporter cela si moi, j’ai une option qui me permet [d’aider] », partage-t-il.

Sylvie Lévesque, professeure au département de sexologie à l’Université du Québec à Montréal, précise d’ailleurs que l’éveil des hommes à cette réalité survient souvent après qu’ils aient été témoins des impacts négatifs de la contraception sur leur partenaire. « Ils se [rendent] compte que ça n’a pas de sens de demander à sa partenaire de souffrir comme ça pour avoir une sexualité sans contraintes », explique la professeure.

Béatrice Allard, étudiante au Juris Doctor à l’Université d’Ottawa, et Renaud Boisvert, étudiant à la maîtrise en droit à l’Université de Montréal, forment un couple depuis trois mois. De leur côté, c’est plutôt l’expiration imminente du stérilet de la jeune femme et des discussions entre ami(e)s qui ont déclenché leur réflexion. « Je ne me connais pas sans hormones, donc j’ai mentionné à Renaud que j’aimerais arrêter la contraception pendant un moment, et c’est là qu’on s’est mis à penser à la contraception masculine », raconte Béatrice.

Un manque d’options sur le marché

Mme Lévesque explique que présentement, au Canada, les seuls moyens de contraception pour les hommes approuvés par la communauté scientifique sont le condom et la vasectomie. La pilule masculine, l’anneau pelvien et le « slip » chauffant sont des méthodes contraceptives en cours de développement. La sexologue fait remarquer que « pour n’importe quel produit, la demande crée l’offre […]. S’il n’y a pas de demande de la part des hommes, pourquoi les compagnies investiraient-elles dans un développement? »

De son côté, Renaud mentionne que « la variété [de contraceptifs] qui a été développée et rendue accessible pour les femmes, ça serait [agréable] de l’avoir pour les hommes ». Le jeune homme songe à la vasectomie, mais n’est pas séduit par l’opération en raison des risques d’irréversibilité et d’infertilité qui y sont associés.

Arthur ajoute que certains contraceptifs pour les hommes, comme la vasectomie et les autres méthodes non approuvées, ne sont pas automatiques. Il faut attendre plusieurs semaines avant que le nombre de spermatozoïdes diminue. « [Ça serait] mieux si on m’offrait une pilule hormonale qui me permettrait [d’avoir une contraception temporaire] », avance-t-il.

Une éducation sexuelle incomplète

Selon Renaud, la réticence des hommes face à la prise en charge de la contraception provient notamment de leur éducation sexuelle. Il se rappelle que lors des cours sur la contraception féminine, les garçons sortaient de la classe, et il considère que « cela mène à une banalisation et une méconnaissance des hommes par rapport à ces méthodes contraceptives ».

Mme Lévesque soutient que les hommes n’ont tout simplement pas appris que la charge de la contraception leur appartenait autant qu’aux femmes. Elle estime que « si on incluait ces compréhensions de la charge contraceptive […] dans un cursus d’éducation à la sexualité et qu’on arrêtait de le voir comme féminin, ça aiderait tout le monde ».

Vers un partage équitable de la charge contraceptive

Selon Arthur, pour qu’une répartition équitable de la charge contraceptive soit possible, il faudrait que la disponibilité des méthodes contraceptives pour hommes et pour femmes soit sur un pied d’égalité, et que leurs effets secondaires soient similaires.

Pour sa part, Béatrice doute que ce partage équitable puisse être atteint dans un avenir proche. « Je ne vois pas pourquoi [les hommes] seraient plus enclins à prendre une charge encore plus grande qu’une charge financière, quand ça fait des années qu’ils peuvent la prendre, mais ils ne le font pas », dénonce-t-elle.

La professeure Sylvie Lévesque explique que c’est par la communication et la sensibilisation que l’on peut atteindre l’équité contraceptive. « Peut-être que ce ne sera pas 50/50 […], mais il pourrait y avoir une implication financière […] au sein du couple pour compenser [la charge contraceptive]. Ce n’est pas juste de séparer la poire en deux, c’est [de voir] comment on peut le répartir pour que ce soit équitable aux yeux des deux partenaires », conseille la professeure.

Mention photo : Camille Dehaene|Montréal Campus

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