Souvent vue comme de la littérature paresseuse, la bande dessinée tend à retrouver ses lettres de noblesse. Celle-ci se glisse non seulement dans les écoles à titre d’outil pédagogique, mais aussi entre les mains d’adultes curieux et curieuses d’apprendre tout en s’amusant.
Alors que les comics books américains étaient mal perçus par la population dans les années 50, la popularité de la bande dessinée n’en a toutefois pas été affectée. Depuis quelques années, c’est la catégorie de livres préférée des enfants, selon le mémoire intitulé La bande dessinée pédagogique écrit par Mélanie Tremblay en 2013.
Il est important de faire la distinction entre la bande dessinée didactique et pédagogique. Les ouvrages didactiques ne sont pas faits comme des outils, mais sont plutôt à caractère instructif. Dans cette catégorie se retrouvent notamment les biographies, les récits historiques et les bandes dessinées documentaires. De l’autre côté, la BD pédagogique, souvent intégrée dans les manuels scolaires, est faite pour faciliter l’apprentissage.
Beaucoup de personnes croient à tort que la BD ne s’adresse qu’aux enfants. Mario Beaulac, professeur de bande dessinée à l’École multidisciplinaire de l’image de l’Université du Québec en Outaouais, souligne que « maintenant, l’offre s’est élargie et on courtise un public adulte », et même que certains et certaines professeur(e)s d’université l’utilisent pour vulgariser des thèses scientifiques.
Selon la thèse de Mme Tremblay, cette méthode d’apprentissage n’est pas limitée à certaines matières. Les sujets et les thèmes sont très divers : le récit de la Shoah racontée par Art Spiegelman dans Maus ou la série La petite bédéthèque des savoirs qui aborde des sujets tels que l’intelligence artificielle en sont des exemples.
L’avantage de la planche
Plusieurs professeur(e)s s’entendent pour dire que la motivation d’apprendre avec cet objet inusité est l’intérêt principal de son utilisation pédagogique. L’aspect ludique, coloré et parfois humoristique encourage la lecture chez les jeunes. Contrairement aux idées préconçues, lire des phylactères 一 élément graphique permettant de placer le texte d’un dialogue ou d’un monologue 一 peut permettre d’améliorer les compétences en lecture, souligne Mme Tremblay dans sa thèse.
Bien que la BD soit reconnue comme étant simple, le professeur titulaire en didactique de la littératie à l’Université du Québec à Rimouski Jean-François Boutin serait réticent à la conseiller à des jeunes en difficulté. « Il y a un niveau de complexité qui est dédoublé en bande dessinée. […] Lire de la BD c’est exigeant », explique-t-il. L’ordre des bulles et des cases ainsi que les ellipses dans le récit demandent un effort de réflexion différent d’un roman, selon lui.
Les défis du neuvième art
Malgré ses multiples avantages, la BD est encore rare dans les écoles, selon Jérôme Latulippe, enseignant d’arts plastiques au Collège Citoyen à Laval. La bande dessinée strictement pédagogique adaptée aux adolescents et aux adolescentes « n’existe pas vraiment », ajoute-t-il.
L’enseignant, qui aborde la BD en classe, assure que sa lecture est encouragée et qu’elle peut être utile, mais qu’elle est « dure à intégrer dans la réalité des profs » qui doivent respecter un programme. Mario Beaulac soutient que tout le monde n’y est pas ouvert.
M. Boutin indique toutefois que la vastitude des possibilités qu’offrent la BD « ne sont pas exploitées à leur plein potentiel ». Le nombre de titres dans les dernières années a explosé, rendant l’offre difficile à cerner. « Le problème de la BD à l’école, c’est la méconnaissance », assure-t-il. Pour lui, ceux et celles qui ne l’ont pas adoptée ne savent tout simplement pas tout le potentiel qu’elle recèle.
Bien que la BD pédagogique ne soit pas aussi répandue que le désireraient ses adeptes, Mario Beaulac affirme que ce secteur est florissant, et que la popularité du genre ne diminue pas. Reste à voir si leur succès en librairie saura défaire les préjugés du milieu scolaire.
Mention photo Augustin de Baudinière | Montréal Campus
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