Trois doses de vaccin, un déficit de câlins

Le 21 janvier se tenait la Journée internationale des câlins. Des célébrations qui, pour la deuxième année consécutive, perdent de leur sens pour plusieurs personnes alors que certain(e)s expert(e)s s’interrogent sur ce qu’il restera du contact humain dans un monde post-pandémique.

« Dès qu’on annonce qu’on peut enlever nos masques et que tout le monde peut frencher, je vais frencher tout le monde! », s’exclame en riant Charlotte Lachambre. L’étudiante au baccalauréat en communication humaine et organisationnelle à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) explique avoir découvert, durant la dernière année, que sa manière d’aimer ses proches passe par le toucher.

Les 22 derniers mois ont été difficiles pour l’étudiante, qui affirme que le manque de contacts physiques avec les autres l’a beaucoup affectée. « Je ressentais un gros vide », témoigne-t-elle.

Elle n’est pas la seule personne dans cette situation. Le rationnement de nos contacts physiques, imposé par les mesures de distanciation sociale, a amené certain(e)s expert(e)s à se pencher sur la question de l’importance du toucher dans notre quotidien.

Des câlins qui apaisent

« On est des êtres qui peuvent survivre grâce au toucher », affirme d’emblée Florence Vinit, professeure au département de psychologie de l’UQAM et cofondatrice de la Fondation Dr Clown, un organisme au sein duquel des « clowns thérapeutiques » visitent des jeunes dans les hôpitaux pédiatriques. Dès la naissance, explique-t-elle, les parents s’occupent de leur nouveau-né(e) en utilisant le toucher.

Les câlins procurent un sentiment de bien-être qui s’explique par la sécrétion d’hormones engendrée par ces contacts physiques. Selon Mme Vinit, l’ocytocine aurait un rôle à jouer dans le sentiment d’attachement entre les individus. « Il y a des recherches qui montrent que certains types de contacts, comme les massages et les étreintes, vont avoir un effet hormonal sur la dopamine et sur la baisse de cortisol, qui est l’hormone de stress », illustre la professeure en psychologie.

Le bonheur engendré par les câlins, la travailleuse sociale au Cégep de Sherbrooke Julie Cloutier l’a constaté. Lors d’une activité qu’elle a organisée sur le campus du cégep durant quatre années consécutives, les membres du personnel offraient des câlins aux étudiant(e)s et à leurs collègues . « J’encourage toutes les institutions [académiques] à faire cela, c’est tellement chouette et simple », partage-elle.

Une spontanéité perdue

La pandémie a bouleversé notre manière d’entrer en contact avec les autres. Il est plus difficile d’avoir des gestes spontanés, comme réconforter par le toucher une personne qui s’est fait mal ou qui pleure, illustre Mme Vinit. Elle explique que l’un des défis de la situation actuelle est de se demander « comment s’adapter [pour conserver] notre part d’humanité », tout en respectant les mesures de distanciation sociale. La peur d’être « dangereux » pour autrui est également un sentiment qui peut se traduire en culpabilité chez certaines personnes, explique la professeure.

Quant à Mme Cloutier, elle remarque que les membres de la communauté étudiante souffrent davantage du manque de présence de leurs ami(e)s que du manque de toucher depuis le début de la pandémie. La travailleuse sociale souhaite organiser à nouveau une activité de distribution de câlins dès que les mesures sanitaires le permettront.

Une adaptation à prévoir

Pour Mme Vinit, deux scénarios sont envisageables pour décrire le monde post-pandémie. « Le besoin de toucher après la pandémie deviendra encore plus fort, ou nos peurs seront intensifiées », avance la psychologue.

Pour la professeure, il est inévitable que l’être humain doive s’adapter. Une réflexion pourrait s’enclencher quant à la façon dont le toucher évoluera dans un monde où les pandémies deviendront de plus en plus fréquentes. Il faudra réapprivoiser nos distances et se demander dans quelles circonstances les individus pourront se rapprocher, note Mme Vinit.

Charlotte Lachambre se réjouit pour sa part de l’assouplissement récent des mesures sanitaires. L’étudiante ne ressentira pas de crainte au contact des autres, bien au contraire. « Vu qu’on a pas eu le droit, là, on veut en profiter », résume-t-elle en souriant.

Mention photo Manon Touffet | Montréal Campus

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